Incendies de Los Angeles : et si cela était arrivé sur la Côte d’Azur ?


Droit des assurances

50 milliards de dollars de dégâts (1), 12.000 bâtiments brulés, 180.000 personnes évacuées (2), la collection du musée Getty menacée,…et comme si cela ne suffisait pas, les ours ayant élu domicile dans une maison californienne abandonnée par les sinistrés auraient-ils aggravé les dégâts (3) ? Si la Californie était la Côte d’Azur et si l’administration Californienne était l’administration française, quid des conséquences en droit des assurances français pour une catastrophe similaire ?

S’agissant des contrats d’assurance contre le risque d’incendie en France, le Code des assurances prévoit que « l’assureur contre l’incendie répond de tous dommages causés par conflagration, embrasement ou simple combustion » (4). Il s’agit par ailleurs d’une obligation pour les locataires, bien que l’assurance couvrant l’incendie soit souvent incluse dans les contrats d’assurance multirisque habitation, contrairement aux propriétaires qui sont libres de choisir de ne pas s’assurer.

En pratique, en cas d’incendie, l’assuré doit :

  1. déclarer le sinistre à son assureur (5);
  2. prendre les mesures nécessaires pour limiter les dommages sur les biens garantis ;
  3. remettre un « état des pertes » à l’assureur dans lequel figure une estimation des biens détruits ou endommagés.

L’assureur peut également désigner un expert pour estimer le montant des dommages découlant de l’incendie.

Dans l’hypothèse d’un incendie catastrophique sur la Côte d’Azur, les sinistrés peuvent bénéficier du régime des Catastrophes Naturelles si un arrêté ministériel reconnaît officiellement l’état de catastrophe naturelle et si les biens touchés sont effectivement assurés contre le risque d’incendie au moment du sinistre (6). Le cas échéant, la Caisse Centrale de Réassurance (CCR), devenue Arundo, prend en charge les coûts de ce risque d’une ampleur exceptionnelle (7). Si la franchise applicable est habituellement prévue dans le contrat d’assurance, en matière de catastrophe naturelle, son montant est fixé par la loi. Elle s’élève à 380€ pour les habitations et biens personnels et à « 10 % du montant des dommages matériels directs non assurables subis par l’assuré, sans pouvoir être inférieur à un montant minimum de 1 140 euros » pour les biens à usage professionnel (8).

Le cas particulier des collectivités territoriales

L’assurance des biens publics contre le risque d’incendie en tant que tel est un véritable enjeu dans ce cas. La loi n’impose ni à l’Etat ni aux collectivités d’assurer leurs biens (9). Très souvent, ces derniers choisiront de s’auto-assurer et de couvrir le coût de dédommagement des sinistres à l’aide de leur propre budget. S’ils ne sont pas assurés, les collectivités et l’Etat peuvent se reposer sur le Fonds de Prévention des Risques Naturels Majeurs (dit Fonds Barnier) financé par des prélèvements sur les primes « catastrophes naturelles » des contrats d’assurance habitation et automobile (10), ainsi que le Fonds pour la Réparation des Dommages Causés aux Biens des Collectivités Territoriales lorsque la « calamité publique » affecte un grand nombre de communes ou que le montant des dommages est supérieur à 6 millions d’euros (11).

En outre, la réforme du 30 décembre 2022 (12) modifiant les méthodes de calcul des franchises applicables aux collectivités territoriales pose un problème pratique. La franchise applicable aux dommages matériels directs correspond à la plus élevée des trois valeurs suivantes : la franchise maximale prévue au contrat, une fraction des dommages fixée par arrêté, ou un montant déterminé en fonction du phénomène par un arrêté ministériel conjoint (13). Cette méthode de calcul entrée en vigueur le 1er janvier 2024 a déjà été contestée par certaines collectivités : une commune ayant subi des inondations en octobre 2023 s’est en effet vue appliquer une franchise de 2,5 millions d’euros alors que les dégâts avaient été estimés à 2 millions d’euros (14). Nous ne pouvons qu’imaginer les montants des franchises applicables à notre hypothèse…

L’assurance contre l’incendie des forêts

En France, seules 9% des forêts, principalement privées, sont assurées contre le risque d’incendie (15). En l’absence d’obligation d’assurance, trois éléments sont à retenir pour les propriétaires forestiers :

  1. l’Etat n’offre une prise en charge des travaux de nettoyage et de reconstruction que pour les risques de tempêtes (16);
  2. l’article 352-1 du Code forestier instaure un compte d’investissement forestier et d’assurance (CIFA) avec une fiscalité avantageuse pour les personnes physiques et groupement forestiers propriétaires et qui ont souscrit une assurance couvrant le risque d’incendie ;
  3. le Centre National de la Propriété Forestière (CNPF) rassemble les propriétaires forestiers pour mutualiser les risques et les coûts en cas d’incendie ou autre sinistre.

L’assurance des dommages causés par des animaux sauvages suite à un incendie

Sur la Côte d’Azur, il n’y a pas (encore) d’ours… mais il y a de nombreux loups. Le législateur californien aurait-il l’audace d’indemniser les victimes des dégâts causés par les ours de la même façon que notre Etat providence garantit les bergers contre les dégâts causés par les loups qui ont dévoré leur bétail ?

Le loup est un élément extérieur et autonome au sinistre, on constate donc une absence de causalité entre les dommages causés par le loup et ceux causés par l’incendie, d’où l’absence d’indemnisation.

Pour l’anecdote, on signalera que L’Etat providence français est bien plus prévoyant (et paperassier) que l’Etat Californien. Il est donc possible en France de :

  1. stipuler une clause couvrant précisément ce sinistre dans le contrat multirisque habitation du berger ;
  2. se prévaloir du « Plan Loup » pour l’indemnisation des dommages causés aux troupeaux ;

obtenir « la réparation ou le remplacement des équipements et bâtiments agricoles endommagés » sur le fondement du décret n° 2019-722 du 9 juillet 2019 si vous êtes un éleveur dont les troupeaux sont situés dans les territoires d’implantation du loup, de l’ours ou du lynx et sous la condition que ces derniers aient fait l’objet de mesures de protection raisonnables ou sont reconnus comme non protégeables. il faudra alors déposer une demande d’indemnisation auprès du préfet dans les 72 heures suivant le dommage afin qu’un agent formé par l’Office National de la chasse et de la faune sauvage réalise un constat déclenchant l’allocation de l’indemnisation…

(1) Novethic, « Le coût astronomique des incendies à Los Angeles relance le risque d’inassurabilité », 14 janvier 2025, Arnaud Dumas
(2) Ouest France, « Les incendies de Los Angeles sont-ils les pires de l’histoire de la Californie ? », Nolwenn Chapellon, 14 janvier 2025
(3) Des résidents d’Altadena, en Californie, qui avaient dû évacuer leur maison face à l’avancée des incendies, ont retrouvé un ours noir adulte sous leur maison en rentrant chez eux, Le Figaro, « Un couple de Californien de retour à Los Angeles après les incendies découvre un ours sous sa maison », Solène Vary, 11 février 2025
(4) Article L122-1 Code des assurances
(5) Article L113-2 Code des assurances
(6) Article 125-1 alinéa 4 Code des assurances
(7) Article 125-1 alinéa 7 Code des assurances
(8) Articles D125-5-5 et D125-5-6 Code des assurances
(9) Article 243-1 Code des assurances
(10) Loi n°95-101 du 2 février 199
(11) Article L1613-7 Code Général des Collectivités Publiques
(12) Décret n°2022-1737 du 30 décembre 2022
(13) Article D125-5-7 Code des assurances
(14) Argus de l’Assurance, « Catastrophes naturelles : inondations, la mauvaise surprise pour Rive-de-Gier (Loire) », Sabine Germain, 14 janvier 2025
(15) Challenges, « Incendies: seulement 9% des forêts françaises, majoritairement privées, sont assurées », 5 août 2022, Marion Adrast
(16) Article 351-2 Code forestier