LES BSPCE : un instrument vertueux pouvant faire naitre de la frustration s’il est mal maitrisé
Publié le 09/09/2020
par Jérôme Pétrignet
Droit des sociétés
Les bons de souscription de parts de créateur d’entreprise (BSPCE), créés en 1998, permettent aux salariés et dirigeants de certaines sociétés récentes et à fort potentiel de croissance, de souscrire des titres représentatifs du capital de leur entreprise (essentiellement des actions).
Ils sont très développés dans les start-up et plus généralement dans les sociétés de créations récentes.
Le présent article a pour objet, au-delà de rappeler les caractéristiques des BSPCE, d’en dégager les intérêts communément admis mais aussi les points de vigilance à avoir à l’esprit afin d’éviter que cet instrument, a priori vertueux, ne se transforme, malgré lui, en outil de frustration.
Avant cela rappelons brièvement les principales conditions devant être respectées par les entreprises éligibles à l’émission de BSPCE ainsi que par les bénéficiaires de ceux-ci (liste non exhaustive) :
- Être une société par actions soumise à l’IS immatriculée depuis moins de 15 ans.
- Ne pas être coté (sous réserve de quelques dérogations).
- Avoir un capital détenu, directement ou indirectement depuis la création de la société pour 25% au moins par des personnes physiques ou par des personnes morales elles-mêmes détenues à plus de 75% par des personnes physiques.
- Être salarié ou mandataire social de l’émetteur ou de ses filiales sous réserve d’être soumis au régime fiscal des salariés. La loi Pacte a étendu la liste des bénéficiaires aux administrateurs et membres du COS.
Dans le cadre de ce régime la société émettrice dispose de certaines libertés pour définir les caractéristiques des BSPCE. Ce sont ces variables qui vont avoir une influence importante sur l’atteinte ou non des objectifs de l’émission des BSPCE.
Les principales marges de manœuvre de la société émettrice sont les suivantes :
- ouvrir ou restreindre la liste des bénéficiaires des BSPCE et faire également évoluer cette liste au gré de sa stratégie.
- Définir des périodes de levées des BSPCE plus ou moins éloignées dans le temps,
- Prévoir des conditions d’exercice des BSPCE se rattachant à des critères de performance ou de présence.
- Fixer la valorisation du prix de l’action émise si le BSPCE est exercé par le Bénéficiaire.
Rappel des intérêts bien connus du dispositif
Le principal intérêt de cet instrument pour les bénéficiaires est de pouvoir retenir le prix de souscription de l’action fixé au jour de l’attribution par l’AGE des BSPCE. Par conséquent, ces derniers pourront bénéficier de l’éventuelle plus-value future enregistrée par la société émettrice, le tout dans un cadre fiscal et social sécurisé (si l’opération est correctement mise en place).
Les BSPCE sont ainsi fréquemment proposés aux managers clefs de sociétés en développement, tout particulièrement dans les start-up.
Pour la société et ses associés, l’émission de BSPCE présente les avantages suivants :
- Fidélisation des bénéficiaires,
- Motivation de ceux-ci.
- Limitation des salaires versés.
- Cout fiscal et social nul.
Quelques points de vigilances sont toutefois à souligner afin d’éviter que les BSPCE ne deviennent source de frustration.
Ces instruments doivent faire l’objet d’une réflexion importante préalable tant du point de vue de la société émettrice et de de ses associés que du point de vue de ses bénéficiaires.
A priori instrument vertueux permettant à toutes les parties prenantes d’avoir un alignement d’intérêts reposant sur le partage des fruits de la croissance de l’entreprise il peut devenir source de frustrations, de mécontentement voire de division si les paramètres de départ ont été mal conçus ou insuffisamment réfléchis.
A titre indicatif, voici quelques problèmes pouvant être rencontrés à terme par les sociétés ayant émis des BSPCE :
- S’agissant d’une formule de rémunération différée et uniquement potentielle, elle ne peut convenir à tous les profils de salariés, dans la mesure ou le gain et sa liquidité ne sont pas assurés. Ceci doit être bien expliqués et compris par les bénéficiaires.
- Il faut bien calibrer la liste des bénéficiaires en fonction :
- des risques de division que cela peut faire naitre au sein du personnel,
- mais aussi en fonction de la contribution aux résultats que doivent avoir les bénéficiaires.
- Il faut déterminer correctement la formule de valorisation des actions qui pourront être souscrites. Ce sujet est à l’évidence extrêmement important. En effet, en cas de survalorisation il sera difficile à la société de dépasser la valeur fixée, ce qui empêchera donc les bénéficiaires de lever leurs BSPCE. Cette situation pourra alors être de nature à générer un fort sentiment de frustration et de démotivation ce qui produira donc l’effet contraire à celui qui était recherché.En outre, il faudra avoir à l’esprit que les décisions de gestion importantes auront un impact fort sur la valeur de la société. Si elles se traduisent à court terme par une baisse de valeur de la société alors que les bénéficiaires ne sont pas à l’origine de cette décision cela pourra produire un effet négatif. L’exemple le plus marquant en la matière est constitué par les opérations de croissance externe se révélant à court/moyen terme décevantes.
- Il faut mettre en place un pacte d’actionnaires qui liera les bénéficiaires ayant exercé leurs BSPCE aux autres associés de la société. A défaut, il sera compliqué, voire impossible de leur faire céder leur participation en cas de proposition de rachat formulée par un tiers. Il est aussi important de s’assurer qu’ils ne pourront pas recéder librement leurs actions sans droit de contrôle des associés historiques.
- De manière générale il faut bien sur veiller au respect des conditions d’émission des BSPCE au regard de la réglementation fiscale et sociale afin d’éviter les risques de requalification et donc de redressement des plus-values réalisées.
En conclusion, les émissions de BSPCE sont en principe d’un cout fiscal et social nul pour la société émettrice. Elles contiennent aussi la masse salariale et permettent, normalement, de fidéliser les collaborateurs. Tous ces puissants ingrédients en font un instrument juridique souvent utilisé. Ces intérêts ne doivent pas cacher les problèmes, à terme, que ces plans peuvent induire.
Pour comprendre ces risques et les limiter autant que faire se peut, il est important de bien peaufiner son projet, de correctement le mettre en place et de parfaitement l’expliquer aux salariés bénéficiaires.