Le ministère de l’Economie aimerait que les grands groupes qui choisissent de s’assurer eux-mêmes – en créant une captive d’assurance – le fassent en France plutôt qu’au Luxembourg
La pandémie a souligné le fait que certains grands risques n’étaient pas assurables par le secteur privé. Le gouvernement a récemment renoncé à créer un régime d’assurance pandémie et travaille sur une défiscalisation des provisions des petites et moyennes entreprises qui se couvriraient elles-mêmes contre les pandémies. Bercy planche également sur un régime fiscal et réglementaire utile cette fois aux entreprises de taille intermédiaire (ETI) grands groupes qui créeraient ou relocaliseraient leur captive d’assurance en France. L’Opinion fait le point avec Olivier Muraire, dirigeant de compagnies d’assurances, et Jérôme Goy, avocat associé chez Enthémis et spécialiste de l’assurance.
Que sont les captives d’assurance et pourquoi reviennent-elles sur le devant de la scène ?
Olivier Muraire (O.M.) : Une captive est une structure appartenant à un groupe n’étant pas un assureur, qui a vocation à participer à la couverture des risques dudit groupe. Nées dès la fin du 19e siècle aux États-Unis, elles reviennent sur le devant de la scène pour des raisons conjoncturelles. Le marché s’est retourné en Europe il y a deux ans. Alors que depuis plus de quinze ans les prix baissaient, en août 2018, la chute des taux d’intérêt et l’arrivée des taux négatifs a mis sous pression les assureurs. Ils ont pris conscience que le coût du risque était clef dans leur équilibre économique.
L’assurance est l’un des rares modèles économiques où l’entreprise est payée avant d’avoir fourni le service, et où elle ne connaît pas à l’avance le prix de revient. Auparavant, les assureurs engrangeaient beaucoup de primes qui leur ramenaient énormément de trésorerie, et avec, réalisaient de beaux rendements sur les marchés financiers, qui leur permettaient d’avoir un risque technique (strictement lié à l’assurance) proche de zéro. Ils pouvaient équilibrer ainsi leurs activités.
Mais la réglementation solvabilité 2 les a forcés à partir de 2016 à faire attention au coût du capital pour chaque risque souscrit. En outre, depuis quelques années le capital ne rapporte plus grand-chose. Les assureurs sont pris dans un effet ciseaux.
Jérôme Goy (J.G.) : Fin 2018, les assureurs européens ont donc commencé à supprimer des lignes d’assurance, baisser leurs capacités, et augmenter les prix. Pour assurer un grand risque, les grandes entreprises doivent souvent trouver 300 à 500 millions d’euros de capacité d’assurance, et font donc appel à des « pools » (groupes) d’assureurs. Au Royaume-Uni, début 2019, et j’ai vu des entreprises cherchant à s’assurer pour 500 millions de livre sterling se voyant proposer 400 millions maximum. La création d’une captive d’assurance permettait de remplir ce trou. Les captives sont devenues un outil complémentaire de gestion de risque.
Est-ce une pratique répandue en France ?
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