Droit commercial et économique
Dans un arrêt du 27 mai 2021, la Cour de cassation juge que la notification de l’intention de rompre une relation commerciale établie n’est régulière et le préavis ne commence à courir que si la date de la rupture est précisée (Cass. Com., 27 mai 2021, n° 19-18301).
Précédemment, les juges se contentaient d’une démarche attestant du caractère aléatoire de la poursuite de la relation commerciale. Tel pouvait être le cas, notamment, dans l’hypothèse du lancement d’un appel d’offres. Pour la Cour de cassation, « le caractère prévisible de la rupture d’une relation commerciale établie ne prive pas celle-ci de son caractère brutal si elle ne résulte pas d’un acte du partenaire manifestant son intention de ne pas poursuivre la relation commerciale » (Cass. com. 6 septembre 2016 n° 14-25891).
Toutefois, la Cour d’appel de Paris avait déjà jugé qu’un courriel contenant un appel d’offres ne pouvait constituer le point de départ du préavis, dès lors qu’il n’y était nullement mentionné la fin de la relation (CA Paris, 17 octobre 2019, n° n° 17/15386). L’intention de ne pas poursuivre la relation devait être clairement exprimée (CA Paris, 28 novembre 2019, n° 17/07023).
Le 31 mars 2021, conformément à sa jurisprudence, la Cour de cassation avait encore jugé que le lancement d’un appel d’offres auquel le partenaire évincé avait répondu, pouvait manifester une intention de rompre et, partant, faire courir le délai de préavis (Cass. Com., 31 mars 2021, n° 19-14533).
Avec cette décision du 27 mai dernier, la Cour de cassation, sous l’impulsion de la Cour d’appel de Paris, institue dans la rupture des relations commerciales établies un formalisme qui n’est pas sans rappeler celui applicable à la rupture des relations de travail.
N’était-ce pas finalement ce que recélait déjà le texte de l’article L. 442-6, I, 5, du code de commerce ? Le texte impose en effet un « préavis écrit ». On voit mal comment le partenaire commercial désireux de rompre pourrait satisfaire à cette exigence s’il ne précise pas la durée du préavis concédé, lequel suppose un point de départ et une date de fin.
Par-delà la lettre du texte, son esprit plaide également en faveur de cette solution. L’article L. 442-6 figure en effet au chapitre II, « Des pratiques commerciales déloyales entre entreprises », du Titre IV, Livre IV, du code de commerce. La loyauté suppose à tout le moins d’avertir, à l’avance, son partenaire de sa volonté de rompre.
L’effet de surprise et la soudaineté, sauf circonstances exceptionnelles ou faute du partenaire, ne relèvent pas de la bonne gestion de ses fournisseurs ni de celle de ses clients. Le simple savoir-vivre – le civisme et la cordialité ne contribuent-il pas à l’harmonie des relations commerciales ? – se trouve ici conforter par une simple exigence de professionnalisme : donner à son partenaire le temps raisonnablement nécessaire pour se retourner, c’est aussi préserver des relations sans doute utiles dans le futur.