1- Le rôle et la responsabilité du courtier en droit positif
Le courtier compte au nombre des intermédiaires d’assurance. Son rôle est d’intervenir auprès de l’assuré envers lequel il a plusieurs obligations (1.1). Le manquement à l’une ou plusieurs de ses obligations entraînera la mise en cause de sa responsabilité personnelle (1.2).
1.1 Le courtier d’assurance, mandataire de l’assuré
Le courtier est l’intermédiaire d’assurance qui intervient auprès de l’assuré pour le guider dans le choix de placement de ses risques.
Avant la signature d’un contrat d’assurance le courtier conseille son client et négocie les termes du contrat afin qu’il corresponde à ses besoins. Une fois le contrat signé, le courtier conserve envers son client un rôle d’assistance dans la mise en œuvre des garanties souscrites.
Le rôle du courtier en opposition à celui de l’agent d’assurance
Contrairement à l’agent d’assurance qui agit en qualité de mandataire d’une ou plusieurs compagnies d’assurance, le courtier, lui, intervient en toute indépendance même s’il est vrai que la pratique a rendu cette distinction plus floue. Certains assureurs ont, en effet, été amenés à confier aux courtiers des mandats presque similaires à ceux des agents.
Il n’en demeure pas moins que, traditionnellement, le courtier représente son client auprès de l’assureur et doit l’orienter vers le contrat d’assurance qui correspondra à ses besoins. Ce rôle peut parfois se manifester par une assistance de l’assuré dans la négociation de certaines parties ou clauses du contrat d’assurance, la majeure partie du contrat étant « non négociable » en vertu de « clauses de marché » ou de « pratiques de marché » invoquées par les assureurs pour refuser toute modification.
Le courtier doit respecter ses obligations sous peine de voir sa responsabilité engagée
Le courtier se voit imposer des obligations d’information et de conseil(1).
Le devoir de conseil du courtier est une obligation de moyens : il doit prendre toutes les mesures nécessaires pour permettre à son client de signer une police qui corresponde à ses besoins, connaissance prise de l’étendue de la garantie. L’obligation d’information s’inscrit, quant à elle, dans le cadre plus général de la protection du consommateur.
L’introduction dans le code de la consommation de la définition du non professionnel a d’ailleurs eu pour conséquence de faire bénéficier à l’assuré de certaines dispositions protectrices du consommateur, élargissant ainsi le champ de la responsabilité du courtier(2).
En termes de responsabilité justement, le rôle d’agent d’assurance présente un avantage incontestable puisqu’en cas de faute ou de manquement à ses obligations, c’est la responsabilité de la compagnie d’assurance qui sera automatiquement engagée(3).
Le courtier, en revanche, n’aura personne vers qui se tourner et sa responsabilité se trouvera nécessairement engagée.
La jurisprudence récente nous offre d’ailleurs quelques exemples de cas dans lesquels les tribunaux ont considéré que le courtier avait manqué à ses obligations, menant ainsi à sa condamnation.
1.2 Panorama de jurisprudences récentes retenant la responsabilité du courtier
Plusieurs décisions rendues récemment, bien qu’exemptes de nouveauté sur le régime de responsabilité du courtier, permettent d’en rappeler les fondamentaux.
Le courtier ne doit pas se limiter à couvrir les risques évidents
Ainsi, à l’occasion d’un spectacle de cascades automobiles, un assuré avait souscrit par l’intermédiaire de son courtier une police d’assurance responsabilité civile pour les concentrations et manifestations, garantissant la responsabilité des organisateurs en cas d’accident causé par un véhicule terrestre à moteur. Mais c’est lors de l’installation d’un mât métallique que l’accident est survenu.
Le courtier ayant admis que « les risques que les assurés lui avaient demandé de garantir ne se limitaient pas aux risques automobiles », la Cour de cassation a estimé qu’il avait « induit les assurés en erreur, manquant ainsi à son obligation de conseil en n’attirant pas spécialement leur attention sur la nécessité de souscrire une assurance facultative complémentaire » leur permettant d’être assurés pour un accident n’impliquant pas un véhicule terrestre à moteur(4).
Le courtier ne doit donc pas se limiter à couvrir les risques évidents qui peuvent découler d’un spectacle ou de tout autre activité mais doit voir au-delà afin de couvrir l’intégralité du risque de son client, sous peine de voir sa responsabilité engagée.
Le courtier a, à l’égard de son client, une obligation d’exacte information et d’assistance dans la gestion du sinistre
Dans une autre affaire, concernant cette fois un contrat d’assurance dommage, la Cour de cassation retient qu’il relevait de l’obligation de conseil du courtier d’informer son client sur les délais de prescription de son action, quand bien même ceux-ci étaient inscrits en caractère gras sur les conditions générales et spéciales de la police souscrite.
La Haute juridiction estime ainsi qu’une fois la police souscrite le courtier doit assister son client dans la gestion du sinistre, même si les termes de ladite police sont clairs(5).
Autre application : en matière maritime, le crédit-preneur d’un voilier avait confié le convoyage de celui-ci à un skipper professionnel. Lors d’un abordage avec un autre navire le voilier a coulé, entrainant une action judiciaire à l’encontre notamment du skipper et des courtiers par l’intermédiaire desquels le convoyeur avait souscrit une police d’assurance de responsabilité professionnelle.
Le skipper avait pris la mer avant l’encaissement de la première prime d’assurance alors même que le contrat prévoyait que la police souscrite conditionnait la prise d’effet de la garantie à l’encaissement de celle-ci.
La cour d’appel de Rennes, saisie du litige, rappelle qu’il est de principe que « le courtier professionnel de l’assurance a, à l’égard de son client, une obligation de conseil et d’exacte information, notamment en attirant son attention sur l’adéquation des modalités de prise d’effet de la garantie à la situation personnelle de l’assuré, et qu’il incombe à celui-ci d’apporter la preuve de cette exécution, quand bien même son client ne serait pas novice dans le domaine faisant l’objet du contrat souscrit ».
C’est donc sans difficulté qu’elle en conclut que le courtier a « manqué à son devoir de conseil en s’abstenant d’alerter le skipper sur le risque de refus de garantie que pourrait lui opposer l’assureur en cas de sinistre avant l’encaissement de la prime »(6).
Le courtier doit proposer à son client un choix en adéquation avec ses besoins
Dans une autre espèce, un travailleur indépendant avait souscrit une assurance vie par l’intermédiaire d’un courtier et souhaitait procéder à un arbitrage portant sur une somme de plus de 60% de son épargne vers des placements plus risqués. Un litige s’est élevé quant à la valeur et au nombre de parts retenus à la date de l’arbitrage.
A cette occasion, l’assuré critiquait « la gestion du contrat par le courtier lui reprochant de ne pas en connaître le contenu, de ne pas avoir en sa possession les outils nécessaires et d’avoir manqué à son devoir d’information, de gestion et de conseil ».
La cour d’appel d’Aix en Provence a approuvé les premiers juges d’avoir retenu que l’arbitrage portait sur un placement plus risqué. Le courtier aurait dû faire remplir à son client « un nouveau profil de risque ou tout du moins un questionnaire circonstancié lui permettant d’avoir une connaissance actualisée de sa situation » pour lui proposer un choix d’investissement en adéquation avec sa situation, ses objectifs et ses besoins(7).
Dans le même sens, la responsabilité du courtier pour manquement à son obligation de conseil et d’information a également été retenue par la cour d’appel de Toulouse, en raison de l’absence de réponse apportée au courrier d’un curateur aux fins de souscrire un contrat d’assurance automobile pour un majeur protégé qui a, par la suite, a été impliqué dans un accident de la route(8).
A la lecture de ces décisions, il ne fait aucun doute que le courtier, en tant que professionnel auquel se réfère l’assuré, joue un rôle fondamental auprès celui-ci et que la moindre erreur peut le conduire à devoir répondre de ses actes devant les tribunaux.
Dans ce cadre, on peut s’interroger sur la question de savoir si l’intervention d’un courtier dans la rédaction d’une police d’assurance peut avoir des conséquences sur ce contrat, son interprétation et partant, sur la responsabilité de ce professionnel de l’assurance.
2- Conséquences de l’intervention du courtier dans la rédaction d’un contrat d’assurance
Afin d’y répondre, il est nécessaire, dans un premier temps, d’interroger la règle d’interprétation du contrat, au regard notamment de l’introduction dans le code civil d’un nouvel article 1190 par l’ordonnance du 10 février 2016 (2.1), avant de tenter ensuite de cerner les conséquences de l’intrusion du courtier dans la rédaction du contrat d’assurance (2.2).
2.1 L’interprétation du contrat d’assurance
Si depuis de nombreuses années avait été posée une règle d’interprétation in favorem du contrat d’assurance au bénéfice du seul assuré revêtant la qualité de consommateur, le nouvel article 1190 du code civil interroge sur une évolution de cette règle.
La portée initialement limitée de la directive d’interprétation in favorem
Depuis plusieurs décennies, il était acquis, sur le fondement de l’article L. 133-2, alinéa 2, du code de la consommation (devenu L. 211-1 du même code)(9) que les contrats d’assurance devaient être interprétés en faveur de l’assuré(10).
Seule condition d’application de ce principe d’interprétation en faveur de l’assuré – consommateur, la clause devait laisser « place au doute » : sa clarté en interdisait l’interprétation(11).
Pour poser le principe d’interprétation in favorem, la jurisprudence se fondait sur une disposition propre au code de la consommation et le réservait en conséquence au seul consommateur.
La réforme du droit des obligations de 2016 a néanmoins paru emporter une extension de ce principe d’interprétation à l’ensemble des assurés.
L’incidence du nouvel article 1190 du code civil
Désormais, l’article 1190 pose la directive d’interprétation suivante : « Dans le doute, le contrat de gré à gré s’interprète contre le créancier et en faveur du débiteur, et le contrat d’adhésion contre celui qui l’a proposé. »
Et l’on sait par ailleurs que selon l’article 1110, alinéa 2, du code civil, « Le contrat d’adhésion est celui qui comporte un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l’avance par l’une des parties. »
Le contrat d’assurance, un contrat traditionnellement qualifié de contrat d’adhésion
A première lecture, il parait évident de considérer que le contrat d’assurance constitue un contrat d’adhésion pour l’assuré à qui l’assureur impose une police. C’est d’ailleurs la position majoritaire adoptée par la jurisprudence. Tous les contrats d’assurance devraient donc désormais être interprétés en faveur des assurés.
Mais est-ce si simple ?
L’article 1190 nouveau du code civil peut-il s’appliquer aux contrats d’assurance ?
D’abord, pris à la lettre, l’article 1190 du code civil énonce que le principe d’interprétation in favorem du contrat d’adhésion s’applique « contre celui qui l’a proposé ». Or une telle rédaction se coule difficilement dans le cadre des qualifications du droit des assurances dans lequel celui qui propose le contrat est l’assuré ou souscripteur et non l’assureur (12) : le nouvel article 1190 du code civil ferait ainsi bénéficier le principe d’interprétation in favorem à l’assureur et non à l’assuré.
Même si rien n’impose de considérer qu’il y aurait coïncidence entre la « proposition », au sens de l’article 1190 du code civil, et la signification qu’elle recoupe en droit des assurances, ce premier élément est déjà de nature à faire douter du champ d’application des nouvelles dispositions du code civil.
L’impact de la négociation du contrat d’assurance sur son interprétation
Autre difficulté : si, dans la majeure partie des hypothèses, les clauses de la police sont rédigées par l’assureur et imposées à l’assuré, ce n’est là qu’une vérité statistique. Certaines clauses de la police donnent, parfois, lieu à négociation.
Tel peut être le cas lorsque la garantie est souscrite par un preneur d’assurance professionnel et a pour objet un « grand risque »(13). Et pour tous, en matière d’assurance facultative, la volonté des parties retrouve parfois son importance : certaines clauses peuvent être le fruit d’une négociation entre assureur et preneur d’assurance, directement ou indirectement si le preneur est représenté par un courtier.
Dans une telle hypothèse, la qualification du contrat d’assurance de contrat d’adhésion pourrait-elle être discutée, et, partant, les règles d’interprétation qui le gouvernent remises en cause ?
On peut l’imaginer(14).
Les dispositions de l’article 1190 du code civil imposent-elles réellement une règle d’interprétation du contrat ?
Enfin, avant la réforme du droit des obligations, les directives d’interprétation données par le code civil au juge n’étaient pas considérées comme impératives par la Cour de cassation(15).
Or l’article 1190 (nouveau) du code civil procède d’une modification de l’ancien article 1162 qui énonçait que « Dans le doute, la convention s’interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l’obligation. »
Il parait dès lors difficile, au regard de cette jurisprudence, de considérer que les dispositions de l’article 1190 (nouveau) du code civil seraient impératives et imposeraient en particulier une interprétation de la police d’assurance en faveur de l’assuré. Bien au contraire, si la jurisprudence ancienne devait se maintenir, la directive de l’article 1190 du code civil aurait, contrairement aux dispositions du code de la consommation, une valeur purement indicative et le juge ne serait pas tenu de la suivre.
Néanmoins, la question reste ouverte : le rapport au Président de la République présentant le texte paraissait envisager une règle d’interprétation impérative et une partie de la doctrine semble en ce sens(16).
On le voit, les nouvelles dispositions du code civil génèrent de nombreuses interrogations et l’intervention d’un courtier dans la rédaction du contrat d’assurance démultiplie les incertitudes.
2.2 Une interprétation en évolution du fait de l’intervention du courtier qui pourrait être déterminante pour l’appréciation de la responsabilité de ce professionnel de l’assurance
L’exclusion de la qualification de contrat d’adhésion ?
Nous l’avons vu, les nouvelles dispositions de l’article 1190 du code civil pourraient s’interpréter comme imposant une interprétation de la police d’assurance en faveur de l’assuré, lorsque certaines clauses de cette police sont ambiguës. Néanmoins, ce postulat de départ n’est pas évident lorsqu’une place est laissée à la négociation contractuelle et qu’intervient en particulier, dans la rédaction de la police, un courtier qui négocie au nom de l’assuré certaines clauses du contrat, sous forme d’un « intercalaire ». La convention ne pourrait alors plus être qualifiée de contrat d’adhésion mais serait un contrat de gré à gré.
Si la Cour de cassation ne s’est, à notre connaissance, pas encore prononcée sur la question de la qualification du contrat d’assurance dans une telle hypothèse, certaines juridictions du fond ont eu à trancher ce point.
Des décisions récentes de juges du fond
Quelques décisions retiennent alors la qualification de contrat de gré à gré.
Le tribunal de commerce de Brest a ainsi très récemment jugé : « Le tribunal constate que le contrat a été souscrit par l’intermédiaire d’un courtier (…) et qu’il y a lieu alors de considérer qu’il s’agit d’un contrat de gré à gré qui s’interprète dans le doute contre celui qui l’a proposé et en faveur de celui qui y adhère » (18).
La cour d’appel de Rennes a tenu le même raisonnement dans un arrêt rendu 16 mars 2022 (18) relevant que : « X démontre que la police d’assurance souscrite en 2018 a été négociée par un courtier d’assurance (…). Si cette négociation a porté sur les conditions particulières, il n’en demeure pas moins que ces conditions ont été décidées en fonction des souhaits de l’assuré pour adapter les conditions générales à sa situation ».
La Cour en conclut que : « Il n’est pas possible de qualifier les conditions générales de contrat d’adhésion puisque celle-ci se définit comme un contrat où l’une des parties propose un ensemble de clauses contractuelles non négociable à son contractant et que dans le cas présent, X a choisi de souscrire des conditions particulières contractuelles en premier lieu et en second lieu d’accepter les conditions générales comme le démontrent la première page des conditions particulières. Ainsi, le contrat d’assurance doit être considéré comme un contrat de gré à gré ».
La portée incertaine de la qualification du contrat en contrat de gré à gré
Quelle serait la conséquence d’une telle qualification ?
L’article 1190 du code civil énonçant que « Dans le doute, le contrat de gré à gré s’interprète contre le créancier et en faveur du débiteur », il faudrait interpréter le contrat d’assurance non plus en faveur de l’assuré mais en faveur de l’assureur.
La solution ne manque pas d’étonner : la compagnie d’assurance, partie en situation de force, serait favorisée ; la présence d’un courtier aux côtés d‘un assuré desservirait ce dernier en cas de litige sur l’application du contrat d’assurance.
Mais cette solution n’est, là encore, pas si évidente.
En effet, le courtier, dans les faits, ne négocie avec les assureurs que l’« intercalaire » qu’il propose à ses clients, intercalaire supposé renfermer les conditions plus favorables aux assurés que les conditions générales de la police, imposées par les compagnies d’assurance. Faudrait-il alors interpréter certaines clauses de la police en faveur d’une première partie et d’autres clauses en faveur de la seconde partie ?
Un tel découpage paraît délicat à mettre en œuvre : les clauses d’une police d’assurance s’interprètent les unes par rapport aux autres et cette méthode d’interprétation rendrait impossible une interprétation d’ensemble du contrat.
En outre, rien n’indique que l’article 1190 du code civil se prête à une telle scission, puisqu’il vise les deux catégories que constituent le contrat de gré à gré et le contrat d’adhésion, sans aucunement prévoir qu’un même contrat, suivant ses clauses, pourrait ne revêtir que partiellement l’une ou l’autre de ces qualifications.
Et à défaut d’un tel découpage du contrat, l’intercalaire rédigé par le courtier pourrait-il attirer à lui les conditions générales, qui sont, elles, rédigées par l’assureur pour que la rédaction par le courtier d’une partie de la police puisse provoquer une qualification unitaire du contrat d’assurance en contrat de gré à gré (19)? Faudrait-il alors que l’intercalaire représente le principal de la police ? Mais en pratique, cette dernière hypothèse parait peu probable : aucune compagnie d’assurance n’accepte de renoncer aux conditions générales de ses polices.
A quoi s’ajoute que l’assureur a accepté de contracter aux conditions de l’intercalaire : ne pourrait-il pas en être déduit que l’assureur les a fait siennes, de sorte que le contrat, en sa totalité, doit conserver sa qualification de contrat d’adhésion ?A cet égard, le mal nommé « intercalaire courtier » n’est jamais établi au profit d’un seul assuré. Il est agréé entre un assureur et un courtier, puis intégré dans les contrats des clients du courtier, sans négociation particulière avec chaque assuré, trouvant là un caractère d’adhésion.
Enfin, tirer de la qualité de mandataire de l’assuré endossée par le courtier que l’assuré aurait négocié l’intercalaire de la police peut sembler quelque peu artificiel : l’on postule que le courtier aurait négocié ledit intercalaire à égalité avec l’assureur, ce qui n’est pas exact en pratique.
On le voit la qualification de la police d’assurance faisant intervenir un courtier est délicate. Elle pourrait pourtant être déterminante quant à l’appréciation de la responsabilité du courtier
Les conséquences sur les obligations du courtier et sa responsabilité
Les décisions récemment rendues par le tribunal de commerce de Brest et la cour d’appel de Rennes permettent de s’interroger : un nouveau cas de responsabilité du courtier est-il en train d’émerger ?
L’intervention du courtier pourrait aboutir à la mise en cause quasi systématique de sa responsabilité
Si l’intervention du courtier exerce une influence sur la méthode d’interprétation du contrat d’assurance – qui plus est en faveur de l’assureur – n’a-t-il pas l’obligation d’en informer son client ?
Comme nous l’avons vu, le courtier, en sa qualité de professionnel, a une obligation « d’exacte information » envers son client(20). Il semble, dès lors, qu’il ne puisse omettre de lui expliquer les potentielles implications de son intervention dans la négociation du contrat d’assurance, sauf à engager sa responsabilité.
En outre, la charge de la preuve de la délivrance de cette information pesant sur le courtier, il se devrait donc de l’écrire à son (futur) client avant la souscription du contrat d’assurance.
On mesure ici les difficultés pratiques générées par les récentes décisions de juges du fond.
Et l’incertitude est d’autant plus grande pour les courtiers que la jurisprudence n’est pas clairement établie quant à la méthode d’interprétation du contrat d’assurance en présence d’un intercalaire. Ces professionnels de l’assurance sont en conséquence placés dans l’impossibilité de satisfaire leurs obligations d’information et de conseil en l’absence de connaissance précise quant à l’étendue de leurs obligations.
Une solution à rechercher dans la rédaction contractuelle
Comment le courtier peut-il alors exercer, sans risquer de voir sa responsabilité engagée ?
Une solution pourrait consister à insérer systématiquement dans l’intercalaire une clause d’interprétation prévoyant que le contrat doit être lu dans son ensemble en faveur de l’assuré. L’article 1190 du code civil n’étant pas d’ordre public, rien, a priori, ne s’y opposerait.
Cela étant, une telle stipulation génère de nouvelles questions : quelles seraient les conditions de validité de cette clause ? L’assureur pourrait-il s’y opposer ?
En définitive, les dernières décisions rendues font naitre de nombreuses interrogations.
On ne peut donc qu’appeler les intermédiaires d’assurances à une vigilance accrue dans l’accomplissement de leur devoir de conseil et dans la mise en place des « intercalaires » qui constituent bien souvent, comme l’a montré la jurisprudence relative à l’assurance des pertes dues au Covid, un des avantages essentiels apporté à l’assuré par la présence du courtier.
Jérôme Goy, avocat associé, Enthémis
Elodie Le Prado, avocat au Conseil d’Etat et à la cour de cassation
avec la collaboration de Lynda Saouli, avocat à la Cour
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