Dans le cadre d’une opération de M&A, le marché de l’assurance, d’abord anglo-saxon, a mis au point auprès d’assureurs des garanties ad hoc : il s’agit ici d’externaliser une partie du risque que le vendeur transfère vers l’acheteur. Il peut en effet survenir qu’après la vente, très classiquement, un passif dont le vendeur et l’acheteur devraient ignorer l’existence mais qui était déjà présent avant la transaction surgisse. Les acquéreurs se protègent de cette charge supplémentaire par le biais des garanties de passif, que ces contrats d’assurance tentent, en, partie, d’externaliser. L’exemple typique est le risque fiscal qui pesait sur la société du fait de non-conformités antérieures à l’opération et qui n’est révélé effectivement qu’une fois le deal conclu.
La liberté contractuelle a ici toute sa place et permet souvent de transférer une partie des conséquences de la responsabilité du cédant, en cas de survenance d’un sinistre dû à des faits antérieurs à l’acquisition. C’est la solution qui est le plus souvent retenue. Elle permet la fixation du prix en éliminant partiellement les incertitudes en matière de responsabilité civile.
Outre de s’ajouter ou de se substituer à la solvabilité du cédant, l’assurance GAP comporte souvent un bénéfice psychologique : en échange du paiement d’une prime (même élevée) les parties achètent une forme de tranquillité qui permet de passer au stade suivant des négociations, voire de boucler le deal.
Les types d’assurance de GAP :
Dans la pratique, les polices d’assurance de GAP peuvent être de trois types :
Des trois types d’assurance cités ci-dessus, il faut retenir qu’il est beaucoup plus rare d’assurer un risque connu et que les GAP classiques sont celles qui couvrent le risque transactionnel inconnu. Les polices plus spécifiques ne sont considérées que sur les transactions de taille importante et dans des circonstances où le risque identifié est significatif. Là encore, elles facilitent le chemin vers un accord en éliminant une pierre d’achoppement entre cédant et acquéreur.
Assurance de responsabilité ou assurance de dommages
Un contrat d’assurance de responsabilité suppose, pour que la garantie soit acquise, que le souscripteur ou l’assuré (le vendeur) soit responsable en droit, en l’espèce d’une erreur dans les déclarations effectuées par lui à l’acquéreur. Le risque est alors que l’assureur, afin de dénier sa garantie, oppose à l’assuré sa connaissance du risque au moment de la souscription du contrat d’assurance, connaissance entraînant un défaut d’aléa et donc un refus de garantie.
C’est pourquoi on préfèrera pour l’assurance de GAP un contrat d’assurance de dommages souscrit, cette fois-ci, par l’acquéreur, qui ne nécessite pas que la responsabilité du vendeur soit prouvée. Cette garantie jouera donc plus facilement et la prime d’assurance afférente, en revanche, sera logiquement plus élevée que pour un contrat d’assurance GAP sous forme d’assurance de responsabilité. Quant au paiement de la prime, s’il incombe en théorie au souscripteur du contrat d’assurance, c’est-à-dire, en cas de contrat d’assurance de dommages, à l’acheteur, on peut imaginer que le montant de cette prime entre en ligne de compte dans la fixation finale du prix de cession entre les parties.
Une pratique anglo-saxonne en essor en France
Si le marché des assurances GAP est bien installé au Royaume-Uni, sur lequel environ 200 contrats d’assurance GAP sont souscrits chaque année, il est plus timide dans le reste de l’Europe, où le nombre de contrats est de quelques dizaines par an et par pays.
Le total des primes perçues par les compagnies d’assurance au titre de l’assurance GAP est estimé en Europe à 550 millions de dollars par an, contre 1,1 milliard pour l’assurance de responsabilité civile des mandataires sociaux, à titre de comparaison. La prime moyenne de ces contrats se situe entre 2 et 3 millions d’euros.
En Europe, cinq principaux assureurs, AIG, Ambridge Partners, Liberty Mutual, Euclid et Tokio Marine-HCC, se partagent la majeure partie du marché. Le segment restant est occupé par une dizaine d’autres assureurs parmi lesquels Aviva, AXA XL, Zurich, Beazley ou encore NV. On peut enfin évoquer le Japonais Sampo et l’Allemand Amaniki comme étant spécialisés dans l’assurance de garantie de passif. Parmi les principaux courtiers présents sur le marché français de l’assurance GAP, on retrouve essentiellement Marsh, Willis Gras Savoye et Siaci Saint Honoré . La complexité des due diligences préalables à la mise en place des GAP limite nécessairement le nombre des intermédiaires à ceux dont la taille permet de mobiliser l’étendue des compétences requises pour l’analyse du risque. Dans une certaine mesure, l’assureur peut aussi se baser sur les audits de la cible réalisés par les équipes de l’acquéreur.
Si on voit des primes d’assurance jusqu’à une dizaine de millions d’euros, la tendance actuelle est à la multiplication des transactions de plus petit volume, et donc de primes pouvant descendre jusqu’à 300 000 euros. Si la capacité maximale théorique de garanties est de 450 millions d’euros, les garanties les plus élevées délivrées en France dépassent rarement les 150 millions d’euros. On constate également un développement d’assurance de GAP pour des transactions plus petites.
Depuis deux ans, dans le sillage de la tendance américaine, les acquéreurs (et non les vendeurs) sont de plus en plus nombreux à souscrire à des assurances GAP. De même, dans la mesure où les garanties correspondantes procèdent de longues analyses, certains cédants pré-négocient l’assurance GAP avant l’opération de cession, afin de fluidifier et d’accélérer la vente. Il est alors proposé à l’acquéreur d’acheter la garantie déjà pré-négociée.