En principe, les sociétés, en tant que personnes morales de droit privé, échappent aux dispositions du code de la commande publique prévoyant une obligation de mise en concurrence des marchés d’assurance. Or vous pourriez faire partie de l’exception… En effet, la législation européenne est venue élargir le champ d’application dudit code par l’établissement de certaines conditions.
La question qu’il convient de se poser est donc la suivante : quels sont les organismes concernés par cette obligation de mise en concurrence des marchés d’assurance et quel régime leur est applicable ?
La transposition de plusieurs directives européennes a permis l’introduction de la notion de « pouvoirs adjudicateurs » en droit français. Il s’agit d’organismes privés qui, du fait de la réunion de certaines conditions, sont soumis au code de la commande publique et, notamment, aux principes de publicité et de mise en concurrence préalable à la conclusion de certains contrats. Traditionnellement, la qualité de pouvoir adjudicateur est tirée d’une « dépendance financière et fonctionnelle » vis-à-vis d’un autre pouvoir adjudicateur.
La loi française prévoit trois hypothèses permettant d’identifier un pouvoir adjudicateur. Il s’agit ainsi :
Si les deux premières hypothèses sont (relativement) claires, la troisième est celle qui demande le plus de précisions. La Cour de justice de l’Union européenne est justement venue répondre à cette demande d’éclaircissement à travers différentes décisions.
Tout d’abord, pour être qualifié de pouvoir adjudicateur, l’organisme doit avoir été créé pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial.
Selon la Cour de justice de l’Union européenne, répondent à un besoin d’intérêt général les missions essentielles dévolues aux collectivités publiques, bénéficiant aux membres d’une collectivité ou d’une communauté de personnes et obéissant à des considérations d’ordre économiques, sociales et/ou environnementales (CJCE, 15 janvier 1998, aff. C-44/96, Mannesmann Anlagenbau Austria).
Ensuite, parmi les trois « sous-conditions » alternatives, celle concernant le contrôle de la gestion par un pouvoir adjudicateur paraît être la plus sujette à discussion.
A ce sujet, la Cour de justice de l’Union Européenne a affirmé que le contrôle de la gestion « repose sur la constatation d’un contrôle actif de la gestion de l’organisme concerné de nature à créer une dépendance de cet organisme à l’égard des pouvoirs publics, équivalente à celle qui existe lorsque l’un des deux autres critères alternatifs est rempli, ce qui est susceptible de permettre aux pouvoirs publics d’influencer les décisions dudit organisme en matière de marchés publics » (CJUE 3 février 2021, Federazione Italiana Giuoco Calcio).
En réalité, on apprécie de manière casuistique le contrôle de gestion : l’analyse porte sur le pouvoir concret que l’administration peut exercer sur les choix de gestion de l’organisme. En matière d’assurance, il faudra ainsi que l’action de l’autorité publique ait une incidence directe sur la passation des contrats d’assurances par l’organisme, ou du moins sur sa politique en matière de marchés.
Si votre société, organisme ou association répond à ces critères, ce dernier est automatiquement soumis à l’obligation de publicité et de mise en concurrence de ses marchés d’assurance.
Comme évoqué précédemment, l’intervention de l’UE en matière de qualification des contrats d’assurances, a contraint les personnes publiques, mais aussi certains groupes privés, à devoir respecter une procédure de publicité et mise en concurrence préalables pour s’assurer.
A noter que le premier seuil de mise en concurrence est fixé à 40.000 euros HT de sorte que tout contrat de valeur inférieure peut être conclu de gré à gré.
Cette législation d’origine européenne permet, en principe, de garantir la transparence des marchés, la libre concurrence entre les acteurs et l’utilisation efficace des ressources du pouvoir adjudicateur.
Lorsque la qualification de pouvoir adjudicateur est retenue, le régime de passation des contrats prévu par le code de la commande publique est applicable. Les trois règles spécifiques suivantes nous paraissent être des plus importantes.
Tout d’abord, l’acheteur ne peut favoriser une technique de distribution spécifique du contrat d’assurance ni privilégier certains intervenants : la règle est celle de la concurrence. De ce fait, l’acheteur peut décider de se faire assister par un conseil afin d’élaborer, négocier et conclure le contrat d’assurance. La rémunération du conseil devra être supportée par l’acheteur (circulaire du 24 décembre 2007 relatif à la passation des marchés publics d’assurances).
Ensuite, certains documents devront être apportés par les soumissionnaires (entreprises et intermédiaires d’assurances) conformément au code de la commande publique. Ce dernier prévoit qu’il doit exister autant de documents que d’acteurs concernés par l’offre : par exemple, s’agissant des renseignements, les documents de renseignement de la société d’assurance et de son potentiel intermédiaire d’assurance seront exigés.
Enfin, la durée du marché diverge également du droit commun. En effet, la durée du marché doit être fixée en fonction de la nature des prestations, pour une durée raisonnable et en satisfaisant à l’exigence d’une remise en concurrence périodique. La reconduction du marché comporte nécessairement un écrit et le code de la commande publique dispose que le titulaire du marché ne peut refuser la reconduction, sauf clause contraire.
Ainsi, il est essentiel de s’intéresser à la qualité de son organisme afin de se conformer au régime et pratiques juridiques applicables. D’autant qu’il existe bien d’autres spécificités creusant un écart toujours plus grand entre le droit commun et les exigences du droit de la commande publique (procédure applicable, seuils, procédure négociée ou appel d’offres,…).