Contrôle URSSAF : comment réagir en cas de réintégration par l’URSSAF dans la base de calcul des cotisations sociales des sommes versées par l’entreprise à un prestataire ?


Droit social individuel et collectif

L’impact financier de la requalification de contrats de prestations de service en contrats de travail par l’URSSAF peut être majeur pour l’entreprise contrôlée et la plus grande vigilance s’impose, d’autant plus que, bien souvent, les réintégrations qui s’ensuivent ne sont pas justifiées au regard des principes ayant vocation à s’appliquer en la matière.

La question peut se poser avec acuité, s’agissant des professionnels de santé et paramédicaux exerçant une partie de leur activité libérale au service d’une entreprise, telle qu’un club sportif, un institut de thalassothérapie, un hôtel, un centre de rééducation ou autre.

Le présent article a pour objet de rappeler les principes généraux puis de préciser leurs conditions d’application à ce type de professionnels, et ce afin de permettre aux entreprises d’anticiper toute velléité de redressement de l’URSSAF sur un tel fondement.

1/ En droit.

L’article L8221-6 du code du travail dispose que :

« I.- Sont présumés ne pas être liés avec le donneur d’ordre par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation ou inscription : 

Les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d’allocations familiales

II.- L’existence d’un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d’ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci… »

Ainsi, la présomption de non salariat peut être renversée à condition toutefois que l’URSSAF apporte la preuve de l’exercice d’un travail dépendant.

Trois éléments ont été dégagés par la jurisprudence pour caractériser le travail dépendant :

En application d’une jurisprudence constante, le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

Pour déterminer l’existence ou non d’un lien de subordination, les juges recherchent des faisceaux d’indices tels que :

a/ Le pouvoir de direction et de contrôle de l’employeur.

L’existence de l’autorité de l’employeur suppose que celui-ci émette des directives, contrôle le travail accompli et sanctionne le salarié en cas de manquement.

A cet égard, les arrêts des juges du fond qui ne font référence à aucun pouvoir disciplinaire de l’employeur à l’égard des intéressés sont systématiquement censurés. Il est donc nécessaire de déterminer si, oui ou non, la société a un pouvoir disciplinaire sur la personne considérée.

Ainsi, l’assujettissement au régime général n’a pas été retenu pour :

La subordination se définit également par les contraintes imposées par l’employeur, notamment en ce qui concerne les horaires et le lieu de travail, l’obligation de respecter des horaires étant un indice du lien de subordination.

Quant au lieu de travail, il n’est qu’un indice et ne suffit pas à lui seul à caractériser l’existence d’un lien de subordination.

b/ L’intégration dans le cadre d’un service organisé.

Selon la Cour de Cassation, le travail au sein d’un service organisé ne peut à lui seul conduire à l’assujettissement au régime général de la sécurité sociale ; encore faut-il, en effet, que l’intégration au sein d’un tel service ait eu lieu dans des conditions que l’intéressé n’a pas pu négocier ou aménager.

C’est ainsi que la Cour de Cassation a considéré que des collaborateurs, travaillant certes sur la base d’un fichier clients préétabli par l’entreprise et de rendez-vous programmés par celle-ci, ne pouvaient néanmoins être considérés comme des salariés dans la mesure où ils organisaient librement leur temps de travail et assuraient la charge de leurs frais professionnels et de leur protection sociale.

c/ Activité exercée dans l’intérêt d’un tiers et risque économique.

Le critère de l’activité exercée dans l’intérêt de l’entreprise doit être analysé à la lumière du risque économique, constituant le critère de distinction entre :

La qualité de salarié n’est pas reconnue à un praticien dont la rémunération est proportionnelle aux honoraires perçus en sorte qu’il supporte le risque économique de son activité.

d/ La dépendance économique.

Sauf exception, ce critère n’est pas retenu comme critère d’assujettissement au régime général par la jurisprudence en raison de son caractère trop général et imprécis.

L’application de ces indices aux professions médicales a conduit la Cour de Cassation à considérer, s’agissant d’une infirmière libérale, que :

« […] les juges du fond ont relevé que sous réserve des directives du médecin prescripteur, Mme X… organisait son travail sous sa propre responsabilité, que l’association ne lui imposait ni son planning ni le choix des patients qu’elle assistait en fonction de leurs possibilités horaires ; qu’elle disposait d’un cabinet d’exercice libéral distinct dont elle supportait les charges et que, résultant des contraintes médicales de la dialyse, ses sujétions à l’égard de l’association étaient limitées à un devoir d’information et à sa participation à des réunions de coordination organisées d’un commun accord, pour l’utilisation du matériel ; que ses honoraires étaient calculés par acte et par patient sur la base du barème des infirmiers libéraux : AMI 13, sans qu’aucun revenu ne lui soit garanti par l’association ; qu’en l’état de ces constatations, la Cour d’appel a pu décider que cette infirmière n’avait pas exercé l’activité litigieuse dans un lien de subordination avec l’association, de sorte qu’elle ne relevait pas du régime général de la Sécurité sociale ».

Dans le même sens, la Haute Cour a pu estimer qu’un médecin généraliste intervenant deux à trois heures par jour dans un foyer pendant un an, et payé à la vacation, n’était pas lié par un contrat de travail, dès lors qu’il fixait en toute indépendance les conditions de son intervention .

La Cour d’Appel de Toulouse a été amenée, dans un arrêt du 12 décembre 2013, à faire application des principes ainsi fixés par la Cour de Cassation en se prononçant sur le statut de médecins intervenant au sein d’un club de rugby professionnel .

Elle a jugé qu’en l’absence de tout élément permettant de caractériser un lien de subordination entre les médecins libéraux et le club, les médecins vacataires immatriculés en qualité de travailleurs indépendants n’avaient pas à être déclarés en qualité de salariés du club ; elle a, en conséquence, annulé l’observation pour l’avenir notifiée sur ce point par l’URSSAF.

En l’occurrence et dans le cadre de ce litige, les juges ont considéré que le lien de subordination, qui se manifeste par l’exécution d’un travail sous l’autorité de l’employeur, qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et d’en sanctionner les manquements, n’était pas caractérisé et ce alors même que les médecins en question :

Les juges ont considéré que ces obligations n’étaient pas suffisantes pour établir un lien de subordination juridique et immatriculer les médecins au régime général de la sécurité sociale.

Il importe de relever par ailleurs que dans ce même arrêt, la Cour d’appel de Toulouse a écarté comme insuffisants à caractériser le lien de subordination les éléments de fait suivants, inhérents à l’activité de médecin :

Ainsi et pour conclure, l’analyse de ces jurisprudences illustre le fait que nombreux sont les arguments susceptibles d’être invoqués pour dissuader l’URSSAF de procéder à un redressement sur un tel fondement, et éviter ainsi une longue et coûteuse procédure.

Encore faut-il que l’entreprise soit assistée dès le stade du contrôle pour faire valoir ses arguments.

  1. Cass. Civ. 2e, 21 juin 2005, n°04-12.105
  2. Cass. Civ. 2e, 16 novembre 2004, n°03-30.412
  3. Cass. Civ. 2e, 9 décembre 2003 n°02-30.671
  4. Cass. 2e civile, 14 septembre 2006, n°04-30.647
  5. Cass. Soc., 21 juin 2006, n°05-40.528
  6. CA Toulouse, 12 décembre 2013 n°12/00656