Coupures énergétiques : Quelles garanties d’assurance pour les entreprises ?


Droit des assurances

Les coupures d’approvisionnement en électricité, voire en gaz ou d’une autre source d’énergie, sont entrées dans le domaine du probable. Celles-ci peuvent lourdement toucher l’activité des entreprises concernées. De quelles garanties d’assurance pourraient-elles alors espérer bénéficier ?

Aucune réponse uniforme n’existe : chaque contrat d’assurance, au vu de sa rédaction, apporte une réponse ; en particulier l’interprétation, le cas échéant, de l’intercalaire courtier. Un préalable : les exclusions « Covid » massivement introduites en 2021 par les assureurs, sont ici inopérantes. Comme bien souvent, l’exclusion ne règle qu’un cas passé, et n’anticipe pas les événements.

A l’instar des pertes dues au Covid, on peut identifier deux pistes de garanties : les garanties principales des contrats d’une part,  les extensions de garantie des contrats « Dommages aux Biens » d’autre part.

  1. Garanties principales des contrats « Dommages aux Biens »

De nombreux contrats prévoient la mise en jeu des garanties à la suite d’un «événement ». Celui-ci est parfois décrit par le contrat comme « accidentel », « fortuit » ou « soudain ». Ce terme n’est parfois pas défini du tout.

La plupart des contrats prévoient en outre la nécessité d’un « dommage », le plus souvent, mais pas systématiquement, « matériel ». A cet égard, on se souviendra que la cour de cassation a jugé, en 2001, qu’un « fonds de commerce » (en l’espèce d’une boulangerie), bien meuble assuré, pouvait subir un « dommage matériel » assuré.

Certains contrats font de l’ « événement » une cause de déclenchement de la garantie, au même titre que l’existence d’un dommage matériel, et donc sans qu’un dommage (matériel) soit nécessaire.

Les décisions de coupures énergétiques aujourd’hui envisageables seront le fait de décisions gouvernementales, ou de l’entreprise fournisseur d’énergie. Ces décisions, extérieures à l’entreprise assurée, peuvent donc constituer un « événement » au sens de certains contrats. Voire même un « événement accidentel » ou « soudain », si tant est que ce soit la situation du marché énergétique qui soit qualifiable d’accidentelle et d’imprévue, comme les autorités se plaisent à le rappeler ad nauseam depuis la guerre russo-ukrainienne.

D’autres contrats rendent nécessaire la réalisation d’un dommage matériel aux biens assurés. On peut en ces cas estimer que le dommage à un fichier informatique, bien meuble assuré, par une coupure électrique ayant endommagé les systèmes informatiques d’une entreprise, satisfait les conditions de garantie contractuelles.

Ainsi l’endommagement des systèmes informatiques permettant le paiement dans les magasins, ou bien encore l’absence de lumière ou de chauffage, altération du local  le rendant impropre à son usage. On citera, par analogie, dans le cas du covid, un jugement estimant qu’une contrainte administrative (fermeture) constitue une altération à un fonds de commerce, bien assuré, et donc un dommage audit bien

  1. Extensions de garanties

En plus des garanties principales, bien des contrats d’assurance de dommages comportent des extensions de garanties. Suivant les cas, ces extensions sont plus ou moins, voire pas du tout, subordonnées aux conditions de réalisation de la garantie principale (« événement », «dommage matériel »). Moins les premières sont liées à la seconde, plus leur probabilité d’application est grande.

On se bornera ici à citer quelques exemples d’extensions contractuelles permettant, selon nous et après analyse du contrat dans son ensemble, une application aux cas de coupures énergétiques  subis par une entreprise assurée :

« Dommages ou pertes à des biens qui auront été déplacés en dehors des situations de risques »

« Les garanties sont étendues aux dommages ou pertes matériels causés aux biens assurés se trouvant dans une situation de risques et résultant d’une interruption de la fourniture de services de transmission ou de traitement de données externes, par suite d’un évènement non exclu affectant les installations des fournisseurs de ces services situé dans les limites territoriales du présent contrat, lorsque ces dommages ou pertes ont pour conséquence immédiate d’empêcher totalement ou partiellement la fourniture desdits services. »

« Il s’agit des pertes suivantes consécutives à un évènement assuré affectant les bâtiments auxquels s’appliquent les garanties de la présente police. [..] :

Perte d’usage représentant tout ou partie de la valeur locative des locaux occupés par l’Assuré en cas d’impossibilité pour lui d’utiliser temporairement tout ou partie de ces locaux. »

« Résultant directement de l’interruption, en tout ou partie, des services de fourniture de courant électrique, de gaz, de carburant, de vapeur, d’eau ou de réfrigérant, par suite d’un évènement non exclu, autre que les dommages ou pertes matériels assurés, dans une situation de risques. »

« Les Pertes d’Exploitation du fait d’une interruption totale ou partielle de son activité résultant d’un événement non exclu atteignant les biens d’un client, fournisseur, d’un sous-traitant, d’un façonnier. »

Exclusions de garantie

Il existe par ailleurs, rarement, des exclusions contractuelles comme « Interruption des services de fourniture de courant électrique, de carburant, de gaz ». Leur opposabilité à l’assuré, comme celle de toute exclusion, devra être vérifiée au regard de la jurisprudence, très restrictive, de la cour de cassation.

  1. Secteurs d’activité a priori concernés

En pratique enfin, il est manifeste que les entreprises de certains secteurs d’activité seront davantage touchées que d’autres par d’éventuelles coupures énergétiques. A première analyse, les secteurs suivants sont les plus susceptibles de se trouver dans une configuration contractuelle d’assurance favorable : système Bancaire, Agroalimentaire, Parcs informatiques, Etablissements Recevant du Public, Métallurgie, Verriers, Transport, Activités liées aux cryptomonnaies.

 

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