Ignorer le commissaire aux apports peut rapporter gros


Droit des sociétés

Par un arrêt intéressant, mêlant application de la loi dans le temps, droit des sociétés et astuces procédurales, la Cour de cassation sauve des associés indélicats qui avaient surévalué leurs apports. Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, 12 mai 2021 (20-12.670).

La Cour d’appel de Grenoble, sur assignation d’un créancier impayé, avait retenu la responsabilité des associés d’une SAS en déconfiture pour avoir surévalué leurs apports en nature.

Les associés avaient donné aux tiers une représentation inexacte de l’actif social qui, en réalité, avait peu de consistance. La majoration fictive du capital trouble l’ordre économique en faussant le gage des créanciers. Ceci devait fonder l’engagement de la responsabilité des associés.

La Cour d’appel l’a d’autant mieux entendu ainsi qu’elle s’est fondée sur l’article L227-1 al. 7 du code de commerce qui est explicite. Il dispose que « Lorsqu’il n’y a pas eu de commissaire aux apports ou lorsque la valeur retenue est différente de celle proposée par le commissaire aux apports, les associés sont solidairement responsables pendant cinq ans, à l’égard des tiers, de la valeur attribuée aux apports en nature lors de la constitution de la société. »

Mais la Cour de cassation relève d’office, donc sans même que le moyen n’ait été soulevé par les parties, que ce texte fondant la responsabilité des associés n’était applicable que depuis le 11 décembre 2016, alors que la société avait été antérieurement constituée.

La Cour de cassation fait donc primer la sécurité juridique en restant gardienne des principes d’application de la loi dans le temps, quitte à sacrifier les créanciers malheureux.

Elle casse donc l’arrêt et impose aux créanciers de terminer leur dispute devant une autre cour d’appel, sans que la lecture de l’arrêt ne permette de savoir s’ils disposaient d’autres moyens pouvant fonder la responsabilité des associés indélicats.

Ces créanciers lésés n’ont plus qu’à méditer sur les rigueurs de l’application de la loi dans le temps.