Impossible requalification à la hausse par le juge de la cause de licenciement retenue dans la lettre de licenciement.


Droit social individuel et collectif

Le juge ne peut aggraver la qualification de la cause du licenciement retenue par l’employeur, y compris si cela doit le conduire à annuler un licenciement pourtant justifié.

Rappelons qu’au cours d’une période de suspension du contrat de travail en raison d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail, l’employeur ne peut rompre ledit contrat que s’il justifie soit d’une faute grave commise par le salarié, soit de son impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie (article L1226-9 du code du travail).

Rappelons aussi que tout licenciement prononcé en méconnaissance de ces dispositions est nul (L1226-13 du même code). Ainsi et en d’autres termes, une simple cause réelle et sérieuse ne suffit pas à justifier le licenciement d’un salarié faisant l’objet d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail.

Par un arrêt du 20 décembre 2017 (Cass. Soc. n°16-17199), rendu dans une espèce où le salarié, en arrêt maladie pour maladie professionnelle, avait été licencié pour cause réelle et sérieuse et non pour faute grave, la Cour de Cassation, relevant que le juge ne peut aggraver la qualification de la faute retenue par l’employeur, a cassé l’arrêt de la cour d’appel pour avoir procédé à une telle requalification, et, ce faisant, validé le licenciement.

Constatant que la lettre de licenciement ne prononçait qu’un licenciement pour cause réelle et sérieuse et non pour faute grave, la cour d’appel aurait dû annuler le licenciement, peu important par ailleurs que les faits invoqués dans la lettre de licenciement soient effectivement constitutifs d’une faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

Il s’agit là d’une nouvelle interprétation du principe selon lequel le juge se trouve indéfectiblement lié par les termes de la lettre de licenciement, qui fixent les limites du litige.

Et pourtant la question est loin d’être évidente. Si, de longue date, la Cour de Cassation considère que les juges du fond doivent rechercher si les faits, à défaut de caractériser une faute grave, ne constituent pas néanmoins une cause réelle et sérieuse de licenciement, la question s’est régulièrement posée de savoir s’ils pouvaient au contraire requalifier « à la hausse » ledit licenciement. Dans plusieurs espèces, elle avait considéré que la lettre de licenciement ne fixait les limites du litige que quant aux griefs qui y sont énoncés et qu’il appartenait au juge, selon l’article 12, alinéa 2 du code de procédure civile, de donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée (Cass. soc. 30 juin 1993 n° 91-44824 ; Cass. soc. 22 mars 1995 n°93-45121).

Mais, plus récemment, elle est revenue sur cette position et, après avoir rappelé qu’aux termes de l’article L2511-1 du code du travail, l’exercice du droit de grève ne pouvait justifier la rupture du contrat de travail qu’en cas de faute lourde imputable au salarié et que tout licenciement prononcé en l’absence de faute lourde était nul de plein droit, a décidé que le juge, ne pouvant aggraver la qualification de la faute retenue par l’employeur dans la lettre de licenciement, avait à juste titre prononcé la nullité d’un licenciement fondé sur une « simple » faute grave pour des actes commis pendant un mouvement de grève (Cass. soc. 26 juin 2013, n° 11-27413 ; Cass. soc. 18 mars 2014 n°12-26326). L’arrêt dont il est ici question vient dans la droite ligne de cette jurisprudence restreignant clairement le pouvoir du juge sur ce point.