La protection des photographies via les bases de données


Droit de la communication, publicité et promotion des ventes

Introduction

Sous certaines conditions, l’article L341-1 du code de la propriété intellectuelle confère au producteur d’une base de données une protection du contenu de cette base.

Cette protection, complémentaire du droit d’auteur et des autres droits attachés au contenu de la base, vient utilement compléter le dispositif juridique dont disposent les professionnels de l’image et tout particulièrement ceux dont le métier est de rassembler en plus ou moins grand nombre des collections de photographies : archives et photothèques, banques d’image et agences de presse.

Cette protection est toutefois subordonnée à la réalisation d’investissements spécifiques. Elle confère un monopole d’exploitation plus réduit que celui conféré par le droit d’auteur.

1- Le bénéficiaire de la protection

Le bénéficiaire est le producteur de la base « entendu comme la personne qui prend l’initiative et le risque des investissements correspondants », sous réserve que la constitution, la vérification ou la présentation de contenu de la base atteste d’un investissement financier, matériel ou humain substantiel.

1.1 Initiative et investissements

Le producteur visé par le législateur est clairement une personne morale sans que les personnes physiques soient pour autant exclues du bénéfice de la protection. Le producteur est celui qui a pris l’initiative de constituer la base et qui a réalisé les investissements nécessaires à sa conception et à sa réalisation. Il en assume la responsabilité économique.

L’investissement qui peut être de nature financier, matériel ou humain – le cumul n’est pas exigé – doit revêtir un caractère « substantiel », concept juridique à géométrie variable.

C’est au producteur de démontrer la réalité et l’importance de ces investissements, cette exigence probatoire constituant bien souvent un écueil lorsque la victime d’une atteinte à sa base entend judiciairement faire valoir ses droits.

La jurisprudence procède à de subtiles distinctions quant à l’objet de l’investissement. Elle distingue ainsi les investissements relatifs à la création du contenu de ceux consacrés à la recherche et à l’agrégation des contenus. Seuls ces derniers permettent de caractériser l’existence d’investissements au sens du droit des producteurs de base de données.

Ainsi, les dépenses engagées pour la création de photographies ne constituent pas un « investissement ». En revanche, les frais et charges liés à la sélection des photographes, aux clichés et aux méthodes d’agrégation devraient relever des investissements recevables.

S’agissant des investissements portant sur la vérification, elle ne retient que ceux relatifs à la vérification des données au stade de la collecte et du fonctionnement de la base. Enfin, les tribunaux s’attachent aux investissements réalisés pour assurer la structure et l’organisation de la base.

On peut ici retenir les investissements nécessaires à la création informatique du « contenant », ceux relatifs à l’indexation des clichés et ceux portant sur l’outil de recherche et de sélection.

De manière générale, la CJUE a jugé que les investissements liés à la vérification du contenu sont « les moyens consacrés, en vue d’assurer la fiabilité de l’information contenue dans ladite base, au contrôle de l’exactitude des éléments recherchés, lors de la constitution de cette base ainsi que pendant la période de fonctionnement de celle-ci ».

Pour la Cour de cassation, les dépenses de communication visant à accroitre le contenu, les coûts salariaux liés à la vérification des données ainsi que les dépenses de classification et d’organisation de la base sont des investissements à prendre en compte (Cass. civ. 1, 05.10.2022, 21-16307).

L’investissement peut être financier, matériel ou humain.

L’investissement humain se concrétisera par le temps passé à concevoir, à structurer et à réaliser la base même si cet investissement est « intellectuel ». La notion d’originalité au sens du droit d’auteur fait ici une apparition d’autant plus remarquable qu’elle peut, à elle-seule, justifier une protection de la base – mais non par ricochet de son contenu – par le droit d’auteur.

L’investissement est jugé substantiel soit en raison d’une appréciation quantitative, chiffrée, soit en raison d’une appréciation qualitative liée aux efforts intellectuels réalisés pour concevoir la base.

Le « substantiel » est « relatif », tout particulièrement lorsqu’il s’agit d’un investissement financier. Force est de constater que la jurisprudence est peu diserte quant au montant de l’investissement requis. Sans doute, faut-il ici procéder par comparaison avec des bases similaires : un investissement sera quantitativement jugé substantiel s’il correspond à ce qu’il est d’usage d’investir dans un projet du même type.

La Cour de cassation a jugé qu’une partie restreinte d’une base de données peut en soi bénéficier de la protection si les investissements substantiels ont été réalisés pour la constitution de cette partie restreinte (Cass. com., 05.10.2022, 21-16307).

2- Etendue de la protection

Le producteur de bases de données a le droit d’interdire :

1° L’extraction, par transfert permanent ou temporaire de la totalité ou d’une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu d’une base de données sur un autre support, par tout moyen et sous toute forme que ce soit ;

2° La réutilisation, par la mise à la disposition du public de la totalité ou d’une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu de la base, quelle qu’en soit la forme.

En outre, même lorsque l’extraction ou la réutilisation ne porte pas sur une partie substantielle de la base, le producteur peut engager la responsabilité de l’auteur d’extraction ou de réutilisation répétée et systématique qui excèdent les conditions d’utilisation normale de la base.

2.1 Une extraction ou une réutilisation

La loi protège le producteur tant contre les extractions que contre la réutilisation du contenu de la base. Il appartient au producteur de définir, par exemple dans ses conditions générales, l’étendue des interdictions d’extraction et de réutilisation tout au moins s’il entend se prévaloir, le cas échéant, du dispositif pénal associé à la protection.

La Cour de justice de l’Union européenne a adopté une conception relativement extensive de ces deux notions puisqu’elle les interprète comme tout acte non autorisé d’appropriation et de diffusion au public de tout ou partie du contenu d’une base de données.

L’extraction peut être directe ou indirecte, c’est-à-dire, opérée à partir d’un support autre que la base de données initiale.

Pour la CJUE, l’extraction peut être matérielle ou intellectuelle : le seul fait de s’inspirer d’une base existante en reprenant, sans extraction matérielle, l’essentiel de son contenu porte atteinte au droit du producteur.

Les modalités de l’extraction condamnable sont indifférentes.

La réutilisation n’implique pas nécessairement une extraction préalable : le contenu réutilisé peut en effet provenir d’une autre source que la base initialement concernée. Tel est le cas lorsque l’utilisateur a prélevé chez un tiers autorisé une partie du contenu. Il est fréquent que des utilisateurs indélicats de clichés « constituent » leur propre « collection » en glanant de-ci de-là des photographies provenant d’une base commune.

2.2 Une partie quantitativement ou qualitativement substantielle

L’extraction ou la réutilisation d’une partie quantitativement substantielle soulève, à la marge, des questions d’interprétation. 10% ou 20% du contenu nous semble quantitativement substantiel. Tout devrait dépendre du volume global de la base concernée.

L’hypothèse de l’extraction ou réutilisation qualitativement substantiel permet d’appréhender des extractions ou réutilisation qui ne portent pas sur un volume caractérisé de clichés. Si tous les clichés relatifs à un sujet donné ont été réutilisés, « l’emprunt » apparaît substantiel peu important le nombre de photographies comprises dans la base. De même, la réutilisation des seuls clichés présentant un intérêt documentaire donné pourrait constituer une reprise qualitativement substantielle.

Pour, la CJUE, la notion d’emprunt qualitativement substantiel « se réfère à l’importance de l’investissement lié à l’obtention, à la vérification ou à la présentation du contenu de l’objet de l’acte d’extraction et/ou de réutilisation, indépendamment du point de savoir si cet objet représente une partie quantitativement substantielle du contenu général de la base de données protégée ».

2.3 Extraction ou réutilisation répétée et systématique

Le producteur peut également interdire l’extraction ou la réutilisation répétée et systématique de parties qualitativement ou quantitativement non substantielles du contenu de la base lorsque ces opérations excèdent manifestement les conditions d’utilisation normale de la base de données (art. L342-2 du CPI).

Cette disposition permet a priori d’appréhender un comportement « parasitaire » ne portant que sur quelques clichés. Reste à savoir si cette opération « parasitaire » excède les conditions d’utilisation normale. Dès lors que l’utilisation normale de la base implique un droit d’utilisation payant et, indépendamment de la responsabilité civile qu’une telle utilisation non autorisée implique, l’usage répété et non payé de clichés provenant de la base relève bel et bien de l’utilisation anormale.

2.4 Exceptions aux prérogatives du producteur de base de données

Tout comme le monopole des auteurs, celui, plus limité, du producteur d’une base de données est assorti d’exceptions. Ces exceptions, visées à l’article L342-3 du CPI visent, en substance, les usages privés, la recherche, l’enseignement et le data mining.

2.5 Une durée limitée potentiellement indéfiniment prolongeable

Les droits prévus à l’article L. 342-1 prennent effet à compter de l’achèvement de la fabrication de la base de données. Ils expirent quinze ans après le 1er janvier de l’année civile qui suit celle de cet achèvement.

Lorsqu’une base de données a fait l’objet d’une mise à la disposition du public avant l’expiration de la période prévue à l’alinéa précédent, les droits expirent quinze ans après le 1er janvier de l’année civile suivant celle de cette première mise à disposition.

Toutefois, dans le cas où une base de données protégée fait l’objet d’un nouvel investissement substantiel, sa protection expire quinze ans après le 1er janvier de l’année civile suivant celle de ce nouvel investissement. Cette disposition permet théoriquement de prolonger indéfiniment les droits du producteur d’une base de données.