La transmission des actions pénales dans le cadre de fusion est un sujet qui fait l’objet depuis quelques années d’évolutions importantes. A l’occasion d’une décision récente du 13 avril 2022, la Cour de cassation a confirmé son revirement de jurisprudence en la matière. La Haute juridiction rappelle ainsi que la responsabilité pénale d’une société absorbante peut-être engagée s’agissant de faits commis par la société absorbée.
L’article 121-1 du Code pénal prévoit que les sociétés sont pénalement responsables et peuvent faire l’objet de sanctions.
Qu’advient-il de cette sanction pénale lorsque la société condamnée est absorbée par une autre société ?
Avant 2020, la réponse à cette question était simple : la sanction pénale n’était pas transmise en cas d’opération de fusion-absorption. La Cour de cassation faisait une interprétation stricte du principe de personnalisation des peines et refusait qu’une société absorbante encourt un risque pénal pour des faits commis par une autre société, en l’occurrence la société absorbée, avant l’opération. Ce n’était que dans l’hypothèse où la condamnation avait été prononcé définitivement avant la fusion que la société absorbante était tenue d’exécuter les peines prononcer à l’encontre de la société absorbée. L’obligation de paiement était ainsi transmise à la société absorbante sans que celle-ci ne soit considérée comme coupable de l’infraction commise par la société absorbée.
Depuis le 25 novembre 2020, la Cour de Cassation est allée beaucoup plus loin et retient désormais une interprétation inverse de l’article 121-1 du code pénal. En effet, la Cour statue désormais qu’il est possible d’engager la responsabilité pénale de la société absorbante pour des faits commis par la société absorbée. La société absorbante pourra donc être déclarée responsable de ces faits.
Les juges précisent les deux hypothèses dans lesquelles cette nouvelle interprétation vient s’appliquer :
La société absorbante peut alors être condamnée à une peine d’amende ou de confiscation pour des faits constitutifs d’une infraction commise par la société absorbée avant l’opération. Toutefois, pour ne pas porter atteinte au principe de prévisibilité juridique, la Cour de cassation précise que ce revirement ne peut s’appliquer qu’aux opérations concluent après la date de l’arrêt, soit le 25 novembre 2020
Cette nouvelle interprétation de la responsabilité pénale des sociétés a été confirmée par la Cour de cassation dans son arrêt du 13 avril 2022. La Cour de cassation ajoute à cette occasion que le juge doit rechercher d’office l’existence d’une éventuelle fraude à la loi. C’est à dire qu’il doit rechercher si l’opération a été conclue dans l’objectif, pour la société absorbée, d’échapper à la sanction pénale. Ainsi, dans le cas où l’opération de fusion-absorption a eu lieu avant le 25 novembre 2020, le juge doit statuer sur l’existence d’une éventuelle fraude à la loi et ne peut pas prononcer un non-lieu en raison de la date de l’opération.
De nombreuses questions doivent encore être précisées quant à l’étendue de la responsabilité pénale de la société absorbante telles que la confirmation de cette jurisprudence dans le cadre de scissions de sociétés, la manière d’apprécier la notion de récidive au niveau de la société absorbante qui peut conduire au doublement des sanctions encourues, ou encore la délimitation du patrimoine à retenir en cas de mesures de confiscation.
Sur un plan opérationnel, l’évolution de cette jurisprudence doit désormais être prise en compte dans le cadre de restructurations internes au sein de groupes de sociétés. Cela remet définitivement en cause des pratiques qui visaient à faire disparaitre le risque pénal au sein de groupe simplement en liquidant la société porteuse du risque pénal. Ces pratiques ne pouvaient alors être contestées qu’en démontrant un abus de droit ou encore une complicité.
Les opérations plus globales de croissance externe sont également concernées par ce revirement de jurisprudence. L’acquisition des titres d’une société puis l’absorption de la société cible selon un calendrier plus ou moins rapide est en effet une opération fréquente. Désormais, ces opérations devront intégrer le fait que les éventuelles sanctions pénales pourront être infligées pour des faits commis antérieurement par la société achetée puis absorbée.
Dans ce nouveau contexte juridique, les moyens de se prémunir du risque de transmissibilité des sanctions pénales sont assez limités. Il s’agira principalement des moyens suivants :