La violation de la clause de non-concurrence prive définitivement le salarié de la contrepartie financière


Droit social individuel et collectif

I – La contrepartie financière, condition sine qua non de validité de toute clause de non-concurrence figurant dans un contrat de travail.

Depuis plusieurs arrêts de principe rendus par la chambre sociale de la Cour de cassation le 10 juillet 2002, il est acté que toute clause de non-concurrence, pour être valable, doit comporter l’obligation, pour l’employeur, de verser au salarié une contrepartie financière (1) .

Précisons que cette contrepartie a pour objet d’indemniser le salarié tenu, après la rupture de son contrat de travail, d’une obligation limitant ses possibilités d’exercer un autre emploi. Il s’agit donc d’une indemnité liée à la rupture du contrat de travail, ainsi que l’a affirmé la Cour de Cassation (2).

Par ailleurs, et bien que l’objet d’une telle clause consiste à indemniser le salarié, la contrepartie qui lui est ainsi octroyée a la nature d’un complément de salaire, et ouvre donc droit à congés payés (3).

Cette condition de validité posée par la jurisprudence a consacré la nature synallagmatique de l’obligation de non-concurrence : l’obligation de ne pas faire imposée au salarié, constituant une entrave majeure au principe fondamental de libre exercice d’une activité professionnelle, est contrebalancée par l’obligation au paiement d’une indemnité pesant sur l’employeur pendant toute la durée de la clause.

Ainsi, et en toute logique, la violation de la clause de non-concurrence emporte deux conséquences :

II – La privation définitive du bénéfice de la contrepartie pour toute violation de la clause de non-concurrence.

Dans un arrêt de principe du 24 janvier 2024, la Cour de Cassation a confirmé que toute violation de la clause, quelles que soient sa nature et son importance et même si elle a cessé, prive définitivement le salarié du droit à la contrepartie (6).

Il se peut que le salarié mette un terme à la violation de la clause de non-concurrence, soit à sa propre initiative, soit à réception d’une mise en demeure de son ancien employeur, soit encore parce qu’il en a reçu injonction du juge dans le cadre d’une procédure de référé.

Dans une telle hypothèse, il conserve le droit au paiement de la contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence pour la période antérieure pendant laquelle il a respecté son obligation (7).

Relevons qu’il conserve ce droit, y compris si la clause de non-concurrence est finalement considérée comme illicite par le juge : même dans un tel cas, l’employeur n’est pas fondé à solliciter la restitution des sommes versées au titre de la contrepartie financière de l’obligation qui a été respectée par le salarié (8).

En revanche, dès lors que la clause est violée par le salarié, ce dernier perd définitivement son droit à la contrepartie, à compter de la date de cette violation ; il appartient donc aux juges du fond de rechercher cette date (9).

Dans l’arrêt précité du 24 janvier 2024, la Haute Cour confirme qu’elle fait primer le caractère synallagmatique du contrat sur l’indemnisation de l’atteinte à la liberté du travail : censurant la cour d’appel qui avait considéré que le salarié conservait le droit à contrepartie pécuniaire à partir de la cessation de la violation, elle décide que la violation de la clause de non-concurrence met un terme définitif au droit du salarié de prétendre au bénéfice de la contrepartie financière de cette clause, et ce même après la cessation de sa violation.

Elle confirme ainsi sa jurisprudence antérieure, mais cette fois par une affirmation de principe, publiée au bulletin des chambres civiles de la Cour de cassation.

(1) Cass. Soc. 10 juillet 2002 n° 00-45.135, 00-45.387 et 99-43.334
(2) Cass Soc, 15 janvier 2014, n°12-19.472
(3) Cass Soc, 10 octobre 2007, n°05-45.657 ; Cass Soc, 23 juin 2010, n°08-70.233 ; Cass Soc, 15 janvier 2014, n°12-19.472
(4) Cass. Soc. 5 mai 2004 no 01-46.261
(5) Cass. Soc. 16 mai 1990 no 88-44.229 ; Cass. Soc. 6 décembre 1995, no 92-41.812  ; Cass. soc. 27 septembre 2017 no 16-12.852
(6) Cass. Soc. 24 janvier 2024 n° 22-20.926
(7) Cass. Soc. 27 mars 1996 no 92-41.992  ; Cass. Soc. 18 février 2003 no 01-40.194
(8) Cass. Soc. 28 octobre 1997 no 94-43.792 ; Cass. Soc. 27 septembre 2017 no 16-12.852
(9) Cass. Soc. 7 juin 2006 no 04-43.775