Les indemnités journalières


Droit de la protection sociale

1/ la procedure protectrice des interets du debiteur mise en place par le legislateur.

L’article L323-6 du code de la sécurité sociale :

« Le service de l’indemnité journalière est subordonné à l’obligation pour le bénéficiaire :

4° De s’abstenir de toute activité non autorisée.
En cas d’inobservation volontaire de ces obligations, le bénéficiaire restitue à la caisse les indemnités versées correspondantes.
… »

Aux termes de l’article L133-4-1 du même code, la CPAM récupère l’indu correspondant auprès de l’assuré, selon un processus fixé à l’article R133-9-2.

Plus précisément, ce dernier article dispose :

« L’action en recouvrement de prestations indues s’ouvre par l’envoi au débiteur par le directeur de l’organisme compétent d’une notification de payer le montant réclamé par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception. Cette lettre précise le motif, la nature et le montant des sommes réclamées et la date du ou des versements donnant lieu à répétition. Elle mentionne l’existence d’un délai de deux mois imparti au débiteur pour s’acquitter des sommes réclamées et les modalités selon lesquelles les indus de prestations pourront être récupérés, le cas échéant, par retenues sur les prestations à venir. Elle indique les voies et délais de recours ainsi que les conditions dans lesquelles le débiteur peut, dans le délai mentionné au deuxième alinéa de l’article R. 142-1, présenter ses observations écrites ou orales.

A l’expiration du délai de forclusion prévu à l’article R. 142-1 ou après notification de la décision de la commission instituée à ce même article, le directeur de l’organisme créancier compétent, en cas de refus du débiteur de payer, lui adresse par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception une mise en demeure de payer dans le délai d’un mois qui comporte le motif, la nature et le montant des sommes demeurant réclamées, la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement, les voies et délais de recours et le motif qui, le cas échéant, a conduit à rejeter totalement ou partiellement les observations présentées ».

Une circulaire interministérielle DSS/BD n°2010-214 du 23 juin 2010, à l’attention notamment de l’ensemble des responsables d’organismes de sécurité sociale, a apporté un certain nombre de précisions sur les garanties procédurales qui sont ainsi offertes au débiteur en cas de recouvrement de prestations indues :

Quant au principe de subrogation dans les droits du salarié dont l’employeur a maintenu le salaire, il est fixé par l’article R433-12 du code de la sécurité sociale qui dispose :

« La caisse primaire d’assurance maladie n’est pas fondée à suspendre le service de l’indemnité journalière lorsque l’employeur maintient à la victime, en cas d’accident du travail, tout ou partie de son salaire ou des avantages en nature, soit en vertu d’un contrat individuel ou collectif de travail, soit en vertu des usages de la profession, soit de sa propre initiative.

Toutefois, lorsque le salaire est maintenu en totalité, l’employeur est subrogé de plein droit à la victime, quelles que soient les clauses du contrat, dans les droits de celle-ci aux indemnités journalières qui lui sont dues.

Lorsque, en vertu d’un contrat individuel ou collectif de travail, le salaire est maintenu en totalité ou en partie sous déduction des indemnités journalières, l’employeur qui paie tout ou partie du salaire pendant la période d’incapacité sans opérer cette déduction peut être subrogé par la victime dans ses droits aux indemnités journalières à condition que le salaire maintenu au cours de cette période soit au moins égal au montant des indemnités dues pour la même période ; dans les autres cas, l’employeur est seulement fondé à poursuivre auprès de la victime le recouvrement de la somme correspondant aux indemnités journalières dans la limite du salaire maintenu pour la même période.

L’employeur et la victime qui se sont mis d’accord pour le maintien d’avantages en nature en cas d’accidents, peuvent en informer la caisse et demander le versement par elle, à l’employeur, de la partie de l’indemnité journalière correspondant à la valeur des avantages maintenus. »

Ainsi, lorsque la demande de la CPAM fait suite à l’inobservation alléguée des dispositions du code de la sécurité sociale par le bénéficiaire des indemnités journalières et porte exclusivement sur le remboursement de prestations indument versées, alors la demande s’analyse en une action en répétition de l’indu et les dispositions du code de la sécurité sociale relatives au recouvrement de prestations indument versées doivent être obligatoirement appliquées, et ce quel que soit le débiteur.

2/ la position tres ferme de la cour de cassation quant aux tentatives de contournement de cette procedure protectrice par la CPAM : irrecevabilite de toute demande fondee sur la responsabilite civile.

De façon constante, la Cour de cassation empêche tout contournement de cette procédure protectrice par les organismes de sécurité sociale et déboute la CPAM de ses demandes formées sur le fondement des anciens articles 1382 et 1383 du code civil (aujourd’hui 1240 et 1241 du même code), alors qu’il s’agit de la récupération de prestations qu’elle estime indument versées.

Ainsi, dans une décision du 17 février 2011, elle a affirmé :

« Mais attendu qu’ayant rappelé qu’il résulte de l’article L. 133-4 du code de la sécurité sociale qu’en cas d’inobservation de la nomenclature générale des actes professionnels, la procédure de recouvrement de l’indu obéit aux dispositions spécifiques de cet article, et relevé qu’en l’espèce la demande de la caisse portait exclusivement sur le remboursement de prestations indues en raison de l’inobservation de règles de tarification, le tribunal en a déduit exactement que la procédure de recouvrement engagée par la caisse ressortissait exclusivement aux dispositions de l’article L. 133-4 du code de la sécurité sociale » (Cass. Civ. 2e, 17 février 2011, n°09-71.187).

Dans le même sens, dans une décision du 28 mai 2015, la Cour de cassation a approuvé une cour d’appel pour avoir débouté la CPAM de sa demande formée sur le fondement de l’article 1382 du code civil, visant à « contourner les règles de recevabilité et de fond propres à l’action spéciale précitée [à savoir celle définie par l’article L133-4 du code de la sécurité sociale] » (Cour d’appel de Toulouse, 14 février 2014, n°12/02575).

En l’espèce, la Haute cour a précisé que :

« Mais attendu qu’ayant rappelé qu’il résulte de l’article L. 133-4 du code de la sécurité sociale qu’en cas d’inobservation des règles de tarification et de facturation, la procédure de recouvrement de l’indu obéit aux seules dispositions spécifiques de cet article, et relevé que la demande de la caisse portait exclusivement sur le remboursement de prestations indues en raison de l’inobservation des règles de la tarification, la cour d’appel, qui n’a pas méconnu les termes du litige dont elle était saisie et n’avait pas à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérantes, en a déduit exactement que la caisse était irrecevable à demander la condamnation de M. X… sur le fondement de l’article 1382 du code civil » (Cass. Civ. 2e, 28 mai 2015, n°14-15.546).

Ainsi encore, dans un arrêt du 24 novembre 2016, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé la décision d’une Cour d’appel qui, après avoir constaté que l’inobservation des obligations du bénéficiaire d’indemnités journalières ressortait des dispositions de l’article L323-6 du code de la sécurité sociale, avait néanmoins fait droit à la demande de la CPAM sur le fondement de l’article 1376 du code civil. La Haute Cour a considéré, en effet, que la demande de la CPAM portait en réalité sur une demande de remboursement d’indemnités journalières de sécurité sociale indument versées (Cass. Civ. 2e, 24 novembre 2016, n°15-17.178).

De jurisprudence constante, la sanction de telles tentatives de contournement de la procédure par la CPAM consiste dans l’irrecevabilité de son action (Cass. Civ. 2e, 8 octobre 2015, n°14-23.464).

Encore récemment, la Cour de cassation, dans un arrêt du 24 janvier 2019, a réaffirmé :

« Mais attendu qu’est seule recevable l’action engagée selon la procédure de recouvrement de l’article L. 133-4 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-1796 du 19 décembre 2007, par un organisme de prise en charge, lorsque la demande de ce dernier porte exclusivement sur le remboursement de prestations indues en raison de l’inobservation des règles de tarification ou de facturation des actes imposées au professionnel de santé, que celle-ci résulte d’une simple erreur ou d’une faute délibérée ;

Et attendu qu’ayant fait ressortir que la demande de la caisse portait exclusivement sur le remboursement des honoraires et frais médicaux réglés aux établissements de soins et professionnels de santé, en raison des actes facturés par le praticien en méconnaissance des règles de tarification ou de facturation, la cour d’appel en a exactement déduit que seules les dispositions de l’article L. 133-4 du code de la sécurité sociale devaient recevoir application » (Cass. Civ. 2e, 24 janvier 2019, n°16-28082).

Dans cet arrêt, la Haute Cour a ainsi précisé que les dispositions protectrices du code de la sécurité sociale relatives au recouvrement de l’indu demeurent applicables quand même bien l’inobservation des règles de sécurité sociale résulterait d’une faute délibérée.

Et encore dans un arrêt du 11 juillet 2019, elle a cassé et annulé la décision d’une Cour d’appel qui avait déclaré recevable une demande formée par la CPAM sur le fondement de la responsabilité civile, bien qu’ayant constaté que la demande portait en réalité sur le remboursement de prestations indues en raison de l’inobservation de règles de sécurité sociale (Cass. Civ. 2e, 11 juillet 2019, n°18-18.849).

Au regard de la jurisprudence constante, toutes les demandes portant en fait sur le remboursement de prestations de sécurité sociale indument versées, bien que fondées sur d’autres dispositions que celles du code de la sécurité sociale et notamment sur la responsabilité civile de droit commun, doivent être déclarées irrecevables.

Relevons que ces décisions sont transposables dans les rapports entre la CPAM et l’employeur subrogé dans les droits de son salarié, et ce par application des règles régissant la subrogation légale.

Ainsi, le paiement avec subrogation, s’il a pour effet d’éteindre la créance à l’égard du créancier, la laisse subsister au profit du subrogé, qui dispose de toutes les actions qui appartenaient au créancier et qui se rattachaient à cette créance immédiatement avant le paiement. La règle est donc claire et intangible : toute action dont disposait le subrogeant au moment du paiement peut être exercée par le subrogé. Celui-ci agit à titre personnel, en exerçant une action dont l’objet, la cause et les modalités procédurales (compétences, délais, titres exécutoires…) sont ceux du droit de créance que, par l’effet de la subrogation, il a recueilli.

C’est ce qui vient d’être rappelé par la Cour d’Appel de Paris dans un arrêt du 12 mars 2021, rendu dans une affaire dans laquelle la CPAM avait cru pouvoir s’exonérer de ses obligations d’information de l’employeur quant aux délais de paiement ainsi qu’aux voies et délais de recours qui s’ouvraient à lui, en se prévalant des dispositions de l’article 1382 du code civil alors qu’il s’agissait d’une récupération d’indu. Faute d’avoir respecté les dispositions applicables à l’action en recouvrement de prestations indues, la CPAM a été déboutée de sa demande (Cour d’Appel de Paris – pôle 6 – chambre 12 – RG n°17/00836).