Les intérêts (mais aussi les risques…) de la location gérance de fonds de commerce


Droit commercial et économique

La location-gérance est un contrat par lequel le propriétaire d’un fonds de commerce confie la gestion de ce fonds à un tiers (le locataire-gérant) moyennant le paiement d’une redevance. Ce contrat est régi par les articles L144-1 et suivants du Code de commerce.

Ce type de contrat peut être utilisé dans un assez grand nombre de situations et présente, a priori, beaucoup d’intérêts. Il recèle néanmoins un certain nombre de risques qui ne sont pas identifiables aisément lors de la mise en place de cette organisation juridique et qui nécessitent une attention toute particulière.

Nous avons pensé intéressant de rappeler les principaux intérêts de cette technique juridique ainsi que ces risques car ceux-ci doivent être appréhendés le plus tôt possible.

Sans que cette liste soit exhaustive, les principaux intérêts recherchés lors de la mise en place d’une location-gérance sont généralement les suivants :

  1. Croissance externe accélérée : La location-gérance permet au locataire-gérant d’accélérer son développement en prenant en charge la gestion d’un fonds de commerce sans avoir à investir dans l’acquisition de la propriété. L’investissement est donc nettement réduit par rapport à l’acquisition intégrale d’une activité. Du point de vue du locataire-gérant cette technique trouve un intérêt en période de taux d’intérêts élevés car elle limite considérablement le recours à l’emprunt bancaire.
  2. Test du marché : la location gérance est une bonne façon pour un entrepreneur de tester le marché et d’évaluer la viabilité d’une activité commerciale sans s’engager dans un achat coûteux. On voit ainsi beaucoup de location gérance couplée à une promesse de vente du fonds de commerce. Le locataire gérant dispose alors de la possibilité de lever son option d’achat au bout d’un certain laps de temps s’il considère le test concluant.
  3. Transfert de savoir-faire : durant la période de location-gérance, le locataire-gérant peut acquérir l’expérience et le savoir-faire nécessaire pour la réussite future de l’entreprise tout en limitant ses risques financiers.
  4. Souplesse contractuelle: Le contrat de location-gérance peut être largement aménagé par les parties. Cette souplesse permet de mettre au point des contrats répondant exactement à leurs besoins. En particulier, les conditions de résiliation et de renouvellement peuvent être conçues afin d’apporter une certaine souplesse en cas de difficultés ou de changement de projet. Des promesses de vente ou d’achat peuvent aussi être associées au contrat de location gérance afin de rendre possible le transfert de l’activité dans un laps de temps convenu à l’avance.
  5. Préparation de restructurations intra groupe : le contexte est ici fort différent. Il s’agit de transférer la gestion d’activités au sein de groupes de sociétés sans en passer par une cession d’activité qui peut se révéler fiscalement couteuse. Ces locations gérance sont souvent le prélude à des opérations de fusions ou d’apports partiels d’actifs. Lorsque les calendriers pour réaliser ces opérations de restructurations internes ne sont pas compatibles avec les projets économiques du groupe il est alors envisageable de mettre en place rapidement une location gérance entre sociétés du groupe afin de transférer dans les délais envisagés l’activité et les résultats à la société devant l’exploiter à l’issue de la restructuration. La fusion, voire l’apport, pourra alors intervenir dans un second temps.

Avant toute mise en place d’une location gérance et en fonction du contexte de celle-ci, il faut toutefois bien en apprécier les risques. En voici quelques-uns :

  1. Risque de perte d’exploitation subie par le locataire gérant : En tant que gestionnaire, le locataire-gérant assume le risque de pertes financières de l’exploitation. Pour mesurer son risque il doit donc établir préalablement un plan d’affaires afin d’analyser la viabilité du projet. Par ailleurs, le locataire-gérant doit payer une redevance mensuelle au propriétaire, ce qui peut être un fardeau financier. Le plan d’affaires du locataire gérant doit donc correctement apprécier cette redevance et vérifier la viabilité du projet en tenant compte de celle-ci. Le contrat pourra prévoir des redevances fixes et/ou proportionnelles. Dans ce cas, il sera recherché un alignement de la redevance sur la performance de l’exploitation.
  2. Retour sur investissement limité : Si l’entreprise devient au contraire très rentable, le locataire-gérant ne bénéficiera pas pleinement de cette réussite, car une partie des bénéfices ira au propriétaire sous forme de redevance. En outre, le locataire gérant risque de se voir reprendre l’exploitation en cas de résiliation ou de non renouvellement du contrat. Les clauses de durée et de résiliation doivent donc être négociées en ayant à l’esprit ce risque.
  3. Concurrence du propriétaire: afin de se prémunir d’une concurrence du propriétaire il doit être prévu des clauses de non concurrence. Celles-ci doivent être correctement délimitées afin qu’elles soient juridiquement valides et efficaces.
  4. Non-paiement de la redevance mensuelle : Du côté du locataire gérant il est prudent de sécuriser le paiement de la redevance par la mise en place d’une garantie de paiement. En effet, rien ne dit que le locataire gérant disposera de la compétence nécessaire pour exploiter correctement le fonds de commerce. Dans ce cas, il n’est pas rare de constater des défauts de paiement de la redevance assez rapidement. Afin de limiter ce risque financier la garantie à mettre en place peut prendre plusieurs formes. Il peut s’agir, par exemple, d’une garantie bancaire tel qu’un cautionnement ou encore d’un séquestre d’une somme si la trésorerie du locataire gérant le permet. Il est assez usuel d’exiger un dépôt de garantie qui devra couvrir, a minima, le dépôt de garantie du bail et auquel il est possible de rajouter un séquestre destiné à garantir le paiement d’une partie des redevances.
  5. En fin de contrat, risque de reprise d’une exploitation dégradée : le propriétaire prend le risque de devoir reprendre l’exploitation à l’issue du contrat dont les résultats auront été dégradés par l’exploitation du locataire gérant. Il sera alors difficile et long de restaurer la notoriété antérieure. Afin de limiter ce risque il est très important, pour le propriétaire, de n’accorder un tel contrat qu’à des locataires a priori dotés de toutes les compétences requises pour correctement gérer le fonds de commerce. Ce risque est particulièrement grave si la location gérance est associée à une promesse de cession du fonds de commerce. Dans ce cas, le propriétaire n’a généralement plus l’envie d’exploiter le fonds de commerce et espère au contraire pouvoir le vendre après la période de location gérance. Il peut alors être obligé de reprendre une activité mal gérée par le locataire gérant alors même qu’il ne souhaitait plus s’en occuper.
  6. En fin de contrat, risque de reprise des actifs et des locaux  détériorés: un dépôt de garantie peut être demandé pour permettre un dédommagement en faveur du propriétaire afin de compenser ces dégradations.

Les intérêts et risques mentionnés dans cet article ne sont, bien sûr, pas exhaustifs. La location-gérance est un contrat extrêmement intéressant et qui peut permettre de résoudre de nombreuses problématiques. Sa mise en place nécessite néanmoins une réflexion approfondie et une négociation minutieuse car ses implications légales et financières peuvent être lourdes de conséquences et difficiles à identifier lors de la conclusion du contrat.