Les mesures a prendre en matiere de frais d’entreprise pour eviter le risque de redressement urssaf


Droit de la protection sociale

Chefs d’entreprise, comment vous assurer de l’exonération de cotisations sociales de vos frais de séminaires,  réceptions, voyages et autres manifestations que vous organiserez lorsque les conditions seront à nouveau réunies ? L’objet du présent article est d’anticiper sur les mesures qu’il conviendra de prendre alors pour limiter le risque d’un redressement URSSAF .

Quelles sont les dispositions applicables en la matière ?

Rappelons que certaines dépenses, qu’elles soient engagées par le salarié ou prises en charge directement par l’entreprise, peuvent être qualifiées de frais d’entreprise et, à ce titre, exclues de l’assiette de calcul des cotisations sociales.

La notion de frais d’entreprise a été dégagée et définie par une circulaire du 7 janvier 2003 *, qui indique que l’employeur peut être conduit à rembourser des dépenses engagées par le salarié ou à mettre à sa disposition des biens ou services, sans qu’il s’agisse pour autant d’un élément de rémunération, d’un avantage en nature ou de frais professionnels. 

Les sommes, biens ou services ainsi attribués correspondent à la prise en charge de frais relevant de l’activité de l’entreprise et non de frais liés à l’exercice normal de la profession du salarié. Ces frais pris en charge par l’employeur ne relèvent ni de la réglementation des avantages en nature, ni de celle des frais professionnels, et ne peuvent être qualifiés d’éléments de rémunération en application de l’article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale. Ils sont donc exclus de l’assiette des cotisations et de l’assiette de la CSG et de la CDRS. 

Selon la circulaire précitée, pour être qualifiés comme tels et donc exonérés, les frais d’entreprise doivent remplir simultanément trois critères : 

 

A ce titre, est expressément considéré comme constituant des frais d’entreprise  « l’avantage procuré au salarié eu égard à sa participation à des manifestations organisées dans le cadre de la politique commerciale de l’entreprise (réceptions, cocktails, etc…), alors que l’exercice normal de sa profession ne le prévoit pas. »

C’est également le cas des « dépenses engagées par le salarié ou prises en charge directement par l’employeur, à l’occasion de voyages d’affaires, voyages de stimulation, séminaires, etc… », la circulaire précisant toutefois que « ces voyages ou séminaires devront être caractérisés par l’organisation et la mise en œuvre d’un programme de travail et l’existence de sujétions pour le salarié, alors que sa participation à ces voyages ne correspond pas à l’exercice normal de sa profession ».

Comment interpréter ces dispositions ?

Certaines situations ne prêtent à aucune discussion.

Ainsi, il est clair qu’un voyage essentiellement consacré à des activités ludiques offert par l’entreprise à ses salariés sera considéré comme un avantage en nature, et ce que leur participation soit ou non obligatoire et que les conjoints y soient ou non invités.

 

Il n’est pas contestable non plus qu’un séminaire de travail exclusivement dédié à l’étude et s’organisant autour d’un programme précis ne laissant place à aucune distraction sera, au contraire, traité comme constituant des frais d’entreprise et, à ce titre, exonéré de cotisations sociales, CSG et CRDS.

Mais entre ces deux situations extrêmes, quelle est la latitude dont dispose un employeur souhaitant fédérer et renforcer la cohésion de ses équipes dans le cadre d’un dispositif conjuguant travail et détente, tout en bénéficiant du régime spécifique propre aux frais d’entreprise ?

Quels sont les critères à retenir ?

L’étude de la jurisprudence la plus récente permet d’en tirer les enseignements suivants : pour que les dépenses en question soient considérées comme des frais d’entreprise :

-les frais en question doivent demeurer exceptionnels, même s’ils présentent une certaine récurrence (deux fois par an par exemple) ;

-la liste des participants doit être complète et précise et ne prêter à aucune discussion (corroborée par exemple par une feuille d’émargement) ;

-le caractère obligatoire de la manifestation, l’absence des conjoints, ou encore le port d’une tenue imposée avec logo du groupe et le placement à table des participants sont des indices sérieux mais insuffisants ;

-mais surtout, et quelle que soit la nature et la durée de cette manifestation, le temps consacré aux séances de travail doit être très substantiel par rapport à la durée totale du séjour et l’employeur, en cas de contrôle, devra être en mesure de justifier très précisément du programme de travail suivi et des sujétions particulières imposées aux salariés dans ce cadre.

Prédominance du temps consacré au travail et nécessité d’un programme précis.

A cet égard et bien qu’aucun texte ne précise que le programme de travail doit être prépondérant par rapport aux activités ludiques (telles que visites, jeux, farniente, soirées, repas…), une telle exigence semble s’imposer : il faut un programme de travail précis, complet et structuré, comportant un certain nombre d’obligations pour les salariés, pour prouver la réalité de la vocation professionnelle du voyage ou de la manifestation, quelle qu’en soit la forme ; en d’autres termes, le planning (du séjour, de la journée ou de la soirée) devra être déroulé de manière détaillée et l’entreprise devra être en mesure de démontrer que les activités récréatives n’avaient qu’un caractère marginal.

La Cour de Cassation a récemment rappelé sa position sur ce point dans un arrêt du 30 mars 2017 **: s’agissant d’un séminaire réunissant une centaine de salariés d’une entreprise à Budapest, elle a écarté les indices tels que feuille d’émargement illustrant la présence obligatoire, marque du groupe présente tout au long du séjour, tenue imposée avec logo du groupe pour les soirées, placement à table des participants, mise en œuvre des techniques de direction, d’organisation et de gestion de l’entreprise et de développement de la politique commerciale, volonté de renforcer la cohésion des équipes en créant un environnement favorable au travail ; au regard du faible temps consacré au travail sur la durée du séjour, elle a considéré que ces frais n’avaient pas été exposés à raison de charges inhérentes aux fonctions des salariés, exercées dans l’intérêt de l’entreprise et en a déduit que leur prise en charge constituait des avantages en nature.

Relevons également que toutes ces exigences continuent à s’appliquer même si l’essentiel des participants sont des clients et que ces voyages ou soirées sont intrinsèques à la politique commerciale de l’entreprise ***.    

Peut-être un assouplissement à venir ?

De façon inattendue, cette particulière sévérité a été atténuée dans un arrêt, récent lui aussi, rendu par la Cour d’Appel de Paris, qui a considéré que les frais remboursés par l’employeur aux salariés dans le cadre de repas à l’extérieur dans un restaurant ou d’une soirée au karting ou au bowling étaient des frais d’entreprise dans la mesure où  ils « avaient un caractère exceptionnel en ce qu’ils n’avaient lieu que trois fois par an, qu’ils étaient engagés par les salariés dans l’intérêt de l’entreprise, et qu’ils sortaient du cadre de l’exercice normal de leur activité » ****.

On est fondé à se demander si cette jurisprudence, plus souple et plus en adéquation avec la nécessité, pour toute entreprise, d’engager des actions afin de favoriser la cohésion de ses équipes, sera validée par la Cour de Cassation.

Dans l’attente d’une telle évolution jurisprudentielle, on ne pourra qu’inciter les entreprises à une vigilance toute particulière lors de l’organisation de tels événements.

 

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* circulaire DSS/SDFSS/5B n°2003-07 du 7 janvier 2003 relative à la mise en œuvre de l’arrêté du 10 décembre 2002 relatif à l’évaluation des avantages en nature en vue du calcul des cotisations de sécurité sociale et de l’arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale ;
** Cass 2ème civ. 30 mars 2017 n°16-12132 ;
*** CA Grenoble 14 février 2019, n°16-04411 ; CA Rennes 18 décembre 2019, n°18-08196 ;
**** CA Paris 15 mars 2019, n° 15/02659.