Limites des clauses exonératoires de responsabilité dans les contrats d’affaires


Droits des contrats

1- Faute dolosive ou faute lourde

Depuis de nombreuses années, la jurisprudence limite les effets d’une clause contractuelle exonérant l’une des parties de sa responsabilité, si cette dernière à commis une faute lourde ou dolosive.

Si les hypothèses de faute dolosive, impliquant un manquement volontaire, sont assez rares en pratique, la faute lourde qui n’implique pas la démonstration d’une intention malveillante, s’avère plus aisée à établir.

La faute lourde doit présenter une certaine gravité. Auparavant, la faute lourde devait s’apprécier objectivement au regard du caractère essentiel ou non de l’obligation inexécutée. La jurisprudence s’attache désormais  à la gravité de la faute.

Ainsi, dans un arrêt du 23 juin 2021 (Cass. Com., n° 19-21919), la Cour de cassation a rappelé que « la faute lourde ne peut résulter du seul manquement du débiteur à ses obligations contractuelles, fussent-elles essentielles, mais doit se déduire de la gravité du comportement du débiteur ». Commet une faute lourde le débiteur qui s’est rendu coupable de négligences d’une extrême gravité confinant au dol, dénotant son inaptitude à la mission qui lui a été confiée (Cass. Com., 26 avril 2017, n° 15-23245). La Cour d’appel d’Amiens reprenant cette définition dans un arrêt du 21 avril 2022 (n° 21/00600) rappelle que « la faute lourde est comme une négligence d’une extrême gravité, confinant au dol, dénotant l’inaptitude du débiteur à l’accomplissement de la mission contractuelle qu’il avait acceptée » tout en précisant que cette faute ne saurait résulter du seul manquement à une obligation contractuelle et que l’extrême gravité de la faute ne se déduit pas de l’importance de ses conséquences.

La faute lourde permet d’écarter l’article 1231-3 du Code civil qui limite les dommages et intérêts aux dommages prévisibles.

2- Clause neutralisant une obligation essentielle

La Cour de cassation a maintenu sa jurisprudence selon laquelle est réputée non écrite la clause limitative de réparation qui contredit la portée de l’obligation essentielle souscrite par le débiteur. Cette jurisprudence est désormais consacrée à l’article 1170 du Code civil. Cet article dispose en effet que « toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite ».

Dans un arrêt du 26 avril 2017 (Cass. Com., n° 15-23245), la Cour de cassation a ainsi jugé que « doit être déclarée non écrite la clause ayant pour effet de neutraliser le caractère contraignant de l’obligation essentielle résultant d’un contrat en dispensant le débiteur d’exécuter son obligation ». L’analyse à laquelle les juges procèdent prend en compte l’économie générale du contrat ainsi que la répartition des risques telle qu’elle a pu être organisée par les parties au regard des autres clauses du contrat (Cass. Com. 26 avr. 2017, n° 15-23239).

3- Clause créant un déséquilibre significatif

Les clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité peuvent être sanctionnées lorsqu’elles créent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. L’article L.442-1, 2° du code de commerce dispose en effet qu’engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait de soumettre ou de tenter de soumettre l’autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

Il est toutefois nécessaire que la clause litigieuse n’ait pas fait l’objet d’une négociation effective (Cass. Com., 20 novembre 2019, n° 18-12823). Là encore, le juge se livre à une appréciation de l’ensemble des clauses du contrat, à l’objet de ce dernier et aux risques encourus de part et d’autre (CA Paris, 27 janvier 2023, n° 21/07498).