Droit commercial et économique
« Ô temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices !
Suspendez votre cours :
Laissez-nous savourer les rapides délices
Des plus beaux de nos jours ! »
Lamartine, « Le lac ».
Le droit règle l’écoulement du temps tel un métronome. Immuablement, les règles de prescription, de computation des délais, les pénalités de retard rythment la vie des entreprises et des particuliers.
Pourtant, des événements exceptionnels bousculent cet ordonnancement. Déjà, lors de la première guerre mondiale, des lois de prorogation de temps de guerre ont repoussé l’extinction de délais en matière de droit d’auteur.
Certes l’article 2251 du code civil dispose : « La prescription court contre toutes personnes, à moins qu’elles ne soient dans quelque exception établie par une loi. » Mais ce texte ne règle que la situation de ceux qui ne peuvent prescrire ou contre lesquels on ne peut prescrire pour des raisons de fait, dans des cas que la loi autorise.
Toute autre est la situation de ceux dont les délais de prescription acquisitifs ou extinctifs sont prorogés par la loi, sans qu’ils n’aient à justifier de leur situation de fait.
« Nous sommes en guerre » a annoncé le Président de la république. Et si l’ennemi est microscopique, il n’en a pas moins grippé la mécanique du droit. Il n’est donc pas surprenant que le pouvoir cherche à interrompre la mécanique de l’écoulement du temps afin de sauvegarder l’ordre économique et social.
Un projet d’ordonnance est en cours de discussion devant les assemblées dont l’article 7 intéresse particulièrement les entreprises.
S’il est adopté, et il le sera, ce texte permettra au gouvernement d’intervenir dans le domaine législatif dans le but de :
Ces mesures prendront effet à compter du 12 mars 2020 et devront prendre fin au plus tard dans les trois mois qui suivent la fin des mesures de police administrative pour ralentir la propagation du COVID– 19 (le confinement de la population).
Ces mesures compléteront le plan de soutien direct ou indirect aux entreprises dont la viabilité est mise en cause, notamment par la mise en place de mesures de trésorerie.
Mais, qui veut faire l’ange fait la bête.
Il suffirait que ces mesures soient déséquilibrées ou inabouties pour épargner certains et en ruiner d’autres.
Suspendre le paiement des loyers commerciaux, très bien. Mais comment sauvegarder les intérêts des bailleurs et financer le manque à gagner ? Repousser les délais de livraison ? Parfait. Mais comment livrer les chantiers ? Réorganiser les plannings de travaux qui résultent, pour les intéressés, d’un emboîtement subtil entre différents clients et fournisseurs.
L’exercice s’annonce délicat. Il n’est pas finalisé aujourd’hui.
Formons des vœux pour que celui qui se livre à l’exercice délicat d’arrêter l’horloge le fasse astucieusement, afin d’en épargner le mécanisme.