Pertes Covid et assurance


Droit des assurances

Moins bruyant que les arrêts du 1er décembre 2022 sur la clause « Axa » appliquée aux restaurants, l’arrêt de la cour de cassation du 25 janvier n’en mérite pas moins les honneurs de la publicité. Et ce à deux titres :

1- L’exclusion invalidée par la cour est la suivante :

 « demeure toutefois exclue :

Plusieurs Cours d’appels ont confirmé la validité de cette clause d’exclusion et son application aux fermetures administratives lors des confinements.

La Cour de cassation casse l’un de ces arrêts par l’application rigoureuse de sa constante jurisprudence : sont réputées non écrites les clauses d’exclusion ambiguës. Ce qui est le cas lorsqu’une clause nécessite interprétation.

En l’espèce, tranche la cour, le terme « lorsque » entre les deux paragraphes introduit cette ambiguïté. On le comprend à la lecture de la clause en débat : la présence du terme « lorsque » rend impossible le point de savoir si les deux conditions d’exclusion visées sont alternatives ou cumulatives. Malheureux le rédacteur qui a introduit le terme « lorsque », rendant nulle la clause… on peut d’ailleurs se demander si, en l’absence de ladite conjonction de subordination, la clause demeure ambiguë, et donc non écrite.

2- Cet arrêt du 25 janvier est d’autant plus intéressant qu’il s’inscrit dans le cadre d’une extension de garantie, dite de « carence de client / fournisseur ».

Cette extension est présente dans un nombre important de contrats d’assurance de dommages aux biens des entreprises. Son application dans le cadre du Covid est donc susceptible de multiplier le nombre d’entreprises garanties.

En l’espèce, la cour de cassation, et c’est rarement le cas pour les contentieux « assurance Covid », opère de facto un contrôle de l’interprétation de la clause par la cour d’appel.

Ladite clause prévoit une garantie applicable en cas de fermeture des établissements des clients ou des fournisseurs de l’entreprise assurée, en l’espèce un traiteur. La cour de cassation écrit ce qui suit, à l’appui de sa décision de cassation :

« En statuant ainsi, alors que [la cour d’appel de Nîmes] constatait que les clients et fournisseurs de l’assurée relevaient des catégories visées par les mesures d’interdiction d’accueil du public, ce dont il résultait qu’ils avaient fait l’objet d’une fermeture sur ordre des autorités caractérisant leur carence au sens du contrat, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé le texte susvisé. »

L’apport de l’arrêt porte sur le passage souligné : la cour de cassation approuve le raisonnement suivant lequel les mesures d’interdiction d’accueil du public  constituent une
« fermeture » (ladite fermeture étant une cause de garantie). On se souviendra notamment de la salve des jugements Mac Donald’s  / MMA  de 2023 refusant de considérer que la possibilité d’accès auxdits restaurants pour la seule vente à emporter empêchait de considérer qu’existait un « ordre de fermeture »
tel que prévu par le contrat comme condition de garantie.

De l’arrêt ici commenté on peut déduire l’inverse, car, par exemple, les hôtels sont cités parmi les clients du traiteur assuré. Or les hôtels n’ont pas, sauf exception, fait l’objet d’obligation de fermeture ni d’interdiction d’accès durant les confinements. Pourtant, leur « fermeture » au sens du contrat est ici consacrée.

Rien que le contrat, tout le contrat : l’assurance des pertes Covid des entreprises n’a décidément pas fini d’occuper les tribunaux et les cours.