Pertes Covid : vers la multiplication des entreprises assurées


Droit des assurances

Les assureurs n’en parlent pas, mais les entreprises devraient le savoir : pour les dommages qu’elles ont subis à cause de la pandémie, le délai de prescription interviendra dans moins d’un mois.

Or deux décisions de justice de fin 2021 élargissent considérablement les possibilités d’indemnisation pour les entreprises touchées par le covid, en ouvrant les garanties principales de leurs contrats. Jusqu’à présent, la bataille « covid » entre les compagnies d’assurances et leurs clientes s’était concentrée sur les « extensions » de garantie liées aux fermetures administratives. Mais ces extensions sont rares et leurs montants limités. La mise en jeu des garanties principales des contrats d’assurance pèse beaucoup plus lourd.

Le premier arrêt d’appel sur cette question a été prononcé le 28 septembre 2021 par la Cour d’appel d’Angers et a été renforcé par une décision du tribunal de commerce de Brest, dans un dossier défendu par notre cabinet. Ils revêtent une grande portée. L’arrêt de la cour est une sorte de décision de principe pour cinq entreprises. La Cour estime qu’un contrat d’assurance « Tous risques sauf » couvre les risques non anticipés, ce qui balaye l’argument des assureurs, selon lequel on ne peut assurer un risque non prévu, sous peine de remettre en cause leur modèle économique en risquant de les mettre en faillite.

Le tribunal et la Cour affirment que le fonds de commerce est un « bien assuré ». La Cour ajoute que la pandémie est un événement créant un dommage à la clientèle, et le tribunal que les contraintes administratives sont créatrices d’un « dommage à la clientèle ». Ainsi, même si l’entreprise n’a pas fait l’objet d’une fermeture administrative, elle peut avoir subi un dommage.

Les conséquences pratiques sont de trois ordres.

1 : Davantage d’entreprises garanties

En faisant jouer les garanties principales, ces décisions ouvrent la possibilité d’obtenir une garantie à des dizaines de milliers d’entreprises supplémentaires. C’est souvent grâce aux contrats rédigés par les courtiers que leurs clientes peuvent obtenir ce type de garanties.

2 : Des montant de garanties démultipliés

Les actuaires des assureurs ont de nouvelles difficultés à résoudre : les montants des garanties principales, contrairement à ceux des extensions, ne sont pas sous-plafonnés, au grand bénéfice des assurés

3 : La durée et le montant des préjudices sont étendus.

Les préjudices indemnisables ne sont plus limités aux confinements ni aux entreprises fermées : les préjudices peuvent porter sur toute la durée de la crise.

Les assureurs risquent de voir arriver un gros flux de dossiers en février. Ils entrent dans une zone d’incertitude. Le sujet de l’assurance pandémie était jusque là cantonné à des clauses particulières, avec des garanties faibles. Désormais, le nombre d’entreprises touchées devient plus incertain, et les montants à verser pourraient être beaucoup plus élevés.

Les assureurs n’ont donné aucune publicité à ceci… car ils disposent d’une arme efficace : la prescription biennale. Elle va rendre caducs tous les sinistres Covid qui n’auront pas été interrompus dans les formes, à partir de mars 2022.

Il est encore temps !

Lien vers l’article sur le site de L’Opinion