Pertes d’exploitation : l’assureur MMA condamné à indemniser une baisse d’activité liée au Covid


Droit des assurances

La Cour de cassation confirme un arrêt rendu par la cour d’appel d’Angers, et condamne MMA à indemniser un assuré pour dommages à sa clientèle durant la période de crise sanitaire. Le contrat objet du litige prévoyait une garantie « tous risques sauf ».

Le dommage à la clientèle considéré comme assurable

L’arrêt rendu ce 9 novembre par la Cour de cassation, confirmant l’arrêt de la cour d’appel d’Angers du 28 septembre 2021, condamne l’assureur MMA. Et reconnaît par là-même l’existence d’un dommage à la clientèle d’une entreprise, en raison de la pandémie, considéré comme assurable, même en l’absence d’une fermeture administrative.

Cette fois-ci, l’affaire impliquait non pas un restaurateur, mais une entreprise de fabrication de clôtures électriques. Cette dernière avait souscrit une assurance professionnelle « tous risques sauf » auprès de MMA, pour son activité industrielle. Après une baisse de son chiffre d’affaires en mars et avril 2020, qu’elle imputait à la crise sanitaire du coronavirus et aux mesures de confinement consécutives, la société avait déclaré un sinistre le 5 mai 2020 et demandé la mise en oeuvre de la garantie « pertes d’exploitation ». Celle-ci couvrait « les dommages, les recours, les responsabilités, les frais et pertes consécutifs ou non, subis par l’ensemble et la généralité des biens ayant pour origine un événement non exclu ». À la suite du refus de garantie de son assureur, la société l’assigne en exécution du contrat au titre des pertes d’exploitation. Condamné en appel, MMA s’est pourvu en cassation.

Deux points d’attention sont à relever dans cet arrêt, selon Jérôme Goy, avocat au sein de cabinet Enthémis Avocats : d’une part, il est opportun de rappeler que l’entreprise assurée avait pu continuer son activité industrielle, puisqu’elle n’avait pas fait l’objet d’une fermeture administrative. D’autre part, il est important de retenir que la clientèle est considérée comme un bien incorporel assurable. « La cour d’appel considère que les termes du contrat garantis prévoient que tous les biens, y compris incorporels, sont assurés, notamment la clientèle, et que la crise sanitaire elle-même constitue un dommage à cette clientèle. La cour est allée assez loin dans la définition du dommage, sur la base d’une définition du bien assuré au titre du contrat, analyse-t-il. Les juges d’appel n’auraient pas pu condamner l’assureur sans ce préalable ».

Un intercalaire bénéficiant à de nombreuses entreprises

Un raisonnement que la Cour de cassation a confirmé en ces termes : « C’est par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, que l’ambiguïté des termes des clauses litigieuses rendait nécessaire, que la cour d’appel a jugé que sont garanties les pertes d’exploitation non consécutives à des dommages subis par les biens de l’entreprise, dans la limite du plafond contractuel ». MMA, condamné à garantir l’entreprise assurée à hauteur de 1 million d’euros, doit donc répondre de sa garantie pertes d’exploitation.

« Cette décision confirme notre analyse faite depuis 2020, pour le compte des assurés. La Cour de cassation juge que l’interprétation souveraine du juge d’appel, aux termes de laquelle « sont garanties les pertes d’exploitation non consécutives à des dommages subis par les biens de l’entreprise, dans la limite du plafond contractuel » ne procède pas d’une dénaturation du contrat, et permet donc une indemnisation, réagit Isabelle Monin-Lafin, avocate du cabinet Astrée, qui conseille le courtier créateur de l’intercalaire dans l’affaire et défend plusieurs clients du courtier. Il s’agit en l’espèce d’un intercalaire bénéficiant à de nombreuses entreprises. Comme nous l’avons toujours soutenu, l’indemnisation des assurés, à la suite du fait générateur Covid, ne peut intervenir que lorsque les contrats prévoient des garanties non consécutives ».

Pour l’heure, pas de conclusion générale à tirer de cet arrêt pour tous les contrats « tous risques sauf », tempère Jérôme Goy : « La cour d’appel a interprété les termes du contrat, puisque c’est son rôle. La Cour de cassation a vérifié qu’il n’y avait pas de dénaturation, sans se livrer à une interprétation. Elle se contente de confirmer que le raisonnement tenu par la cour d’appel, sans tirer de règle générale pour tous les contrats tous risques sauf ». Ce nouveau dénouement judiciaire confirme dans cette affaire une extension du contrat « tous risques sauf » à la prise en charge des pertes d’exploitation liées à la crise sanitaire. Contactée par l’Argus, MMA n’a pas encore réagi à notre sollicitation à l’heure où nous écrivons ces lignes.

Lire l’article sur le site de L’Argus de l’Assurance