À quelques semaines de l’expiration de la prescription biennale sur le sujet de la prise en charge des pertes d’exploitation, ce dossier sensible rebondit sur le plan judiciaire. Et les conséquences pour les assureurs concernés pourraient être massives.
La cour d’appel d’Angers a en effet rendu le 28 septembre 2021 une décision qui, déjà, commence à faire jurisprudence. À l’instar du jugement du 30 septembre 2021 concernant le litige opposant Kookaï à Allianzdécrypté dans l’Argus cette semaine, le contrat contesté est un contrat « tous risques sauf » loin du champ de la restauration, ici souscrit chez MMA IARD via le courtier Acmans (hors cause).
La pandémie reconnue comme dommage assuré
Mais comme le souligne Jérôme Goy, avocat associé au sein du cabinet Enthémis, « cet arrêt d’appel est le premier à porter sur les garanties principales des contrats appliquées au Covid. Par son raisonnement, il permet à un plus grand nombre de contrats sous forme « tous risques sauf » de s’appliquer ». Et ce, sans qu’il soit question d’une extension – bref, sans que cette perte d’exploitation soit forcément « sans dommage ».
En effet, comme l’explicite Jérôme Goy, « cet arrêt reconnait l’existence d’un dommage à la clientèle en raison de la pandémie : il souligne également que la pandémie constitue un dommage assuré, en l’absence même de fermeture administrative ». Pour reprendre l’exposé des motifs de la décision : « il est indéniable que la pandémie de Covid-19 a entraîné un ralentissement majeur de toute l’économie du fait du confinement généralisé de la population et de la fermeture de tous les commerces non essentiels ainsi que d’un grand nombre de lieux accueillant du public. Par conséquent, affirmer comme le font les MMA que la baisse de commandes constatées par la société plaignante n’a pas pour cause un événement atteignant l’entreprise mais la crise économique liée à l’épidémie de covid-19 procède d’une distinction qui n’est pas pertinente ».
Une jurisprudence qui évolue
Ce raisonnement, jusqu’à présent, n’avait pas été suivi par les tribunaux de commerce appelés à statuer. Il fait, toutefois, d’ores et déjà des émules : un jugement dutribunal de commerce de Brest du 17 décembre 2021 (concernant un dossier sur lequel le cabinet Enthémis est intervenu) va dans le même sens, précisant qu’au-delà de la notion de « clientèle », le « fonds de commerce » est considéré comme un bien assuré. « Cet arrêt ajoute que les textes de fermeture administrative « altèrent, voire détruisent la clientèle », ce qui entraîne l’application de la garantie principale du contrat d’assurance », ajoute Jérôme Goy.
La fin de la prescription biennale approchant, cette évolution de jurisprudence (contestée par les MMA dans le cas de la décision de la CA d’Angers) est potentiellement lourde de conséquences – et ce pour trois raisons : plus grand nombre de garanties applicables, durée d’indemnisation plus longue… et montants en jeu nettement plus importants. « Les provisionnements déjà effectués par les assureurs risquent de ne pas suffire », conclut Jérôme Goy.
Par GWENDAL PERRIN | 28/01/2022 à 09h15
L’Argus de l’assurance