Pertes d’exploitation : un jugement d’importance pour les assureurs


Droit des assurances

À quelques semaines de la fin de la prescription biennale suite aux litiges relatifs aux pertes d’exploitation, un nouveau jugement (définitif) fragilise la position des assureurs concernés. Décryptage.

Cela fait désormais près de deux ans que la prise en charge des pertes d’exploitation tient en alerte le monde de l’assurance. Et il devrait en être de même dans les semaines à venir, à la fois avec la fin de la prescription biennale (fin février) et, surtout, suite à des évolutions de jurisprudence qui pourraient changer la donne sur ce dossier complexe.

Illustration avec une décision du tribunal de commerce de Paris datée du 30 septembre 2021, à laquelle a eu accès l’Argus, condamnant Allianz face au réseau de boutiques vestimentaires Kookaï – condamnation définitive suite à l’absence d’appel de l’assureur.

Kookaï (ainsi que sa filiale espagnole Kookaï Iberia) a souscrit le 2 septembre 2019 une police d’assurance renouvelable annuellement avec Allianz IARD, par l’intermédiaire du courtier Verspieren (hors cause). Le refus d’Allianz de prendre en charge les sinistres consécutifs aux pertes d’exploitation à six reprises a motivé Kookaï à résilier ledit contrat et à assigner l’assureur le 26 avril 2021.

Une clause particulière contestée

« Ce jugement est intéressant du fait que la clause « impossibilité d’accès » ici en jeu est présente au sein de plusieurs intercalaires courtiers, quel que soit l’assureur – des intercalaires qui semblent répandus pour un grand nombre d’entreprises de taille importante », souligne maître Jérôme Goy, qui a défendu Kookaï dans ce dossier.

Allianz estimait que les conditions d’application des garanties pertes d’exploitation n’étaient pas réunies, considérant que « les mesures prises par les pouvoirs publics n’étaient pas la conséquence de dommages matériels aux bien assurés ». Il en était de même pour la garantie « impossibilité d’accès », « en l’absence de sinistre survenu dans le voisinage des établissements assurés ».

Des provisions à revoir à la hausse ?

Le tribunal a de son côté jugé que les conventions spéciales (rédigées par Verspieren, de même que pour les conditions particulières – les conditions générales l’étant par Allianz) stipulaient au contraire une extension de garantie au titre de cette « impossibilité d’accès », avec cette formulation : « cette extension s’exerce lorsqu’il y a impossibilité d’accès aux établissements assurés en raison d’une interdiction des autorités compétentes ».

À noter que cette décision est également remarquable pour un autre motif : « le tribunal a estimé qu’il existait un sinistre par confinement soit, théoriquement, des montants à verser par les assureurs qui pourraient être triplés en France », poursuit Jérôme Goy. Dans ce cas précis, Allianz IARD est en effet condamné à indemniser Kookaï à trois reprises (pour les périodes du 15 mars au 10 mai 2020, du 3 novembre au 27 novembre 2020 et du 3 avril au 19 mai 2021), à chaque fois à hauteur d’un million d’euros.

 

Par GWENDAL PERRIN | 26/01/2022 à 15h31
L’Argus de l’Assurance