Une SAS peut servir à spolier son associé, mais il faut y mettre les formes


Droit des sociétés

I- Le litige

Deux associés ont convenu de constituer une société par actions simplifiée. Le premier a investi 2 500 € et a obtenu 2 500 droits de vote et le second a investi 225 000 € pour 2 225 droits de vote.

Au décès de l’associé mal avisé, ses enfants s’insurgent. Ils invoquent le fait que la procédure d’approbation des avantages particuliers n’a pas été respectée à la constitution de la société.

L’associé trop bien avisé rétorque que depuis la loi numéro 2019-744 du 19 juillet 2019 il n’est plus nécessaire d’avoir recours à la procédure des avantages particuliers lorsque ces avantages sont consentis à la constitution de la société. Mais la société avait été constituée avant la loi du 19 juillet 2019.

La Cour de Cassation répond que si la loi du 19 juillet 2019 simplifie la procédure de constitution d’une société prévoyant l’allocation d’avantages particuliers, la constitution de sociétés antérieurement à la promulgation de la loi en violation de la procédure des avantages particuliers n’est pas purgée par la publication de la loi nouvelle.

Ceci permet de sauver les droits des enfants de l’associé lésé.

II- Les enseignements

Plusieurs enseignements peuvent être tirés de cet arrêt :

Le premier et le plus important est qu’il est toujours possible de désavantager extraordinairement un associé en ayant recours à une société par actions simplifiées à condition de ne pas réduire ses droits à zéro. Il convient donc d’être particulièrement vigilant lors de la rédaction des statuts de ce type de société.

Le deuxième enseignement est qu’il convient de respecter les formes prévues par la loi au moment de l’accomplissement des actes et que, sauf en matière pénale, les assouplissements ultérieurs ne permettent pas de sauver une situation compromise.

Le troisième est que tout ceci est absurde puisque la procédure des avantages particuliers a pour objectif de s’assurer du consentement des associés désavantagés lorsqu’un avantage est conféré en la personne. Or, en l’occurrence, les avantages étaient conférés au titre et non à la personne. Autrement dit, s’il est exact que chaque associé détenait une catégorie de titres rien n’excluait dans le principe qu’un associé A puisse, par voie de cession ultérieure, détenir des titres B et réciproquement. L’avantage était donc consenti en le titre et non en la personne ce qui rend hors de propos le recours à la procédure des avantages particuliers.

Il faut reconnaître que par prudence la pratique tend à recourir à la procédure des avantages particuliers chaque fois qu’un avantage est lié à un titre mais que ce titre n’est détenu que par une personne ou une catégorie de personnes, mais la prudence exagérée des praticiens n’est pas une démonstration de rigueur juridique. La Cour de cassation aurait pu en faire la démonstration en indiquant qu’il n’y avait pas lieu de recourir à la procédure des avantages particuliers, mais cela aurait nui aux enfants de l’associé spolié.