Violation des obligations de loyauté et de confidentialité au sein des conseils d’administration


Droit des sociétés

Dans une affaire emblématique, au su des enjeux financiers, opposant le réassureur SCOR à l’un de ses administrateurs par ailleurs président de COVEA et à COVEA premier actionnaire, le tribunal de commerce de Paris a réaffirmé par son jugement du 10 novembre 2020 le caractère crucial des obligations de loyauté, de confidentialité et de préservation des conflits d’intérêt présidant à l’exercice du mandat d’administrateur.

Le président de COVEA, administrateur de SCOR, avait fait usage d’informations confidentiellement recueillies dans le cadre de sa mission d’administrateur de SCOR pour initier une OPA à l’encontre de cette dernière.
Le tribunal sanctionne lourdement l’administrateur et COVEA, complice, à raison de ces manquements : Covea est condamnée à payer 19,7 millions d’euros , et son président 479 000 euros à titre personnel
Le tribunal, au fil d’une longue motivation, souligne que la solution aurait été identique quel que soit le régime de responsabilité applicable, contractuel ou délictuel.

Si le tribunal a retenu la responsabilité contractuelle de l’administrateur à raison de la signature d’un règlement intérieur du conseil d’administration, le tribunal induit que la solution aurait été identique sur le fondement de la violation du secret des affaires, régime de responsabilité délictuel instauré par la loi du 26 juillet 2018 créant le nouveau titre V du livre premier du code de commerce qui n’était pas encore en vigueur.

Si la solution n’est pas novatrice, l’ampleur de la condamnation et la visibilité de l’affaire constituent un coup de semonce que les administrateurs exerçant plusieurs mandats à la tête des grandes entreprises françaises doivent garder à l’esprit.

On notera par ailleurs, à titre plus anecdotique, la promotion « marketing » du système judiciaire français comparé à celui du Royaume-Uni ; le tribunal relevant, en de nombreuses occasions, que la procédure de « pre-disclosure discovery » engagée à Londres ayant permis le recueil d’un certain nombre de documents n’était guère plus efficace que notre très sobre et républicain article 145 du code de procédure civile autorisant les mesures de recherche de preuves avant tout procès.

Français perfusés aux séries américaines sur fond de procès, vous pouvez résilier votre abonnement Netflix et vous présenter devant nos tribunaux ancrés dans le terroir.